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Chili: Carlos Caszely, footballeur et porte-voix des victimes de la dictature

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JOL Press : Comment se manifestait l’engagement politique de Carlos Caszely ?
 

Gilles Rof: Carlos Caszely n’a jamais été attiré par les forces politiques conservatrices : il est viscéralement de gauche. A l’époque, c’est avant tout un grand joueur de foot, une star. A ce titre, donc, il ne passait pas ses journées à militer, mais il était effectivement très proche de l’extrême gauche chilienne, de Salvador Allende. Il a parlé fort pour dénoncer la dictature et s’est positionné comme le porte-voix des disparus et de toutes les victimes de la dictature.

Il savait qu’il jouait avec le feu, car des sportifs se faisaient arrêter à l’époque par la junte militaire. Il a également aidé financièrement de nombreuses personnes qui voulaient quitter le pays pendant les heures sombres de la dictature. Puis, il a montré toute sa détermination en s’impliquant lors de la campagne du référendum chilien de 1988. Il s’est mis en avant, et en scène, en utilisant son drame pour provoquer la chute de la dictature.

JOL Press : Le joueur chilien critiquait-il ouvertement la dictature d’Augusto Pinochet ?
 

Gilles Rof: Son statut de star du foot le protégeait un peu. Le régime chilien ne pouvait pas se permettre de s’attaquer à Carlos Caszely, alors que son équipe venait de se qualifier pour la Coupe du monde et qu’il en était le meilleur joueur. La junte militaire est consciente de son importance médiatique et prend soin de ne pas l’attaquer de front. Carlos Caszely, lui n’hésite pas à lui tenir tête, notamment lorsqu’il refuse de serrer la main de Pinochet, quelques semaines avant le début de la coupe du Monde 1974.

A cause de ce geste, il sera très violemment attaqué par la presse de droite, et – bien qu’il ne le reconnaisse pas – cela lui mettra une grande pression lors du Mondial. Il a d’ailleurs craqué pendant le premier match, et sera le premier joueur expulsé lors d’une Coupe du Monde. La légende dit qu’il a fait exprès de se faire expulser pour que le Chili perde, ce qu’il réfute catégoriquement. Je doute qu’il l’ait fait car Carlos Caszely ne jouait pas pour le gouvernement, mais pour le peuple chilien… 

JOL Press : A-t-il fait les frais de son opposition à la junte militaire ?
 

Gilles Rof: Fortement. Lorsque Carlos Caszely est rentré d’Espagne, où il jouait, il a appris que sa mère avait été détenue et torturée par la junte militaire au pouvoir. Cela a été un traumatisme pour lui…Après cet évènement tragique, il a malgré tout continué à s’engager, à dire ce qu’il pensait de la dictature, non seulement au Chili mais aussi l’étranger.

JOL Press: Comment était-il perçu dans la société chilienne ?
 

Gilles Rof: Son expulsion lors d’un match lors de la Coupe du Monde 74 a un peu écorné son image, mais il a été très bien accueilli à son retour au Chili. Caszely est un grand joueur, une icône au Chili. Lorsqu’il a refusé de serrer la main d’Augusto Pinochet, cela a fait énormément de bruit dans la société chilienne : c’était le premier acte d’opposition d’une personnalité publique, quelques semaines seulement après le coup d’Etat. Certains opposants, plus radicaux, lui ont certes reproché de continuer à jouer au sein de l’équipe chilienne de football pendant la dictature… Mais lui a décidé de ne jamais rompre avec la sélection, car, je pense qu’il voulait continuer à s’opposer tout en restant visible.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Gilles Rof a réalisé avec Gilles Perez le documentaire « Les Rebelles du Foot », dans lequel il dresse le portrait du joueur de foot chilien Carlos Caszely, engagé politiquement pendant la dictature d’Augusto Pinochet

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