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Commémorations du débarquement: l’importance du travail de mémoire

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Pierre-François Chanu, professeur d’histoire dans un collège de Montfermeil, a choisi de partir avec ses élèves de 3e sur les pages du Débarquement à l’occasion des commémorations du D-Day. Il revient pour JOL Press sur l’importance du travail de mémoire pour les jeunes.

JOL Press : Pourquoi avoir choisi de se rendre avec des élèves sur les plages de Normandie ?
 

Pierre-François Chanu : Ce qui est intéressant c’est de faire vivre l’Histoire. L’Histoire c’est une matière que les élèves apprennent dans les bouquins mais c’est aussi quelque chose de vivant, qui a existé. Se rendre sur les lieux, aller voir le matériel et les uniformes, visiter les musées, c’est rendre l’Histoire bien réelle et vivante dans leurs esprits.

JOL Press : Qu’avez-vous prévu de faire pendant ce voyage ?
 

Pierre-François Chanu : Nous allons visiter trois musées : nous commencerons par le Mémorial de Caen, un musée passionnant qui raconte toute la marche vers la guerre, la bataille de Normandie, le Débarquement évidemment mais aussi la Guerre froide qui est une conséquence directe de la Seconde Guerre mondiale ; nous allons aussi nous rendre au musée de Bayeux qui retrace uniquement la bataille de Normandie et raconte ce qui s’est passé pendant l’été 44 en Normandie ; nous finirons avec le musée d’Arromanche, un musée qui explique tout le côté logistique du Débarquement.

JOL Press : Comment les élèves réagissent-ils quand ils découvrent cette histoire ?

Pierre-François Chanu : Les élèves sont très intéressés en particuliers par les films qui retracent les événements, les salles avec les uniformes, les armes évidemment. Ils s’interrogent sur la vie des soldats, se demandent s’ils avaient peur, cherchent à savoir ce qu’ils mangeaient, comment ils dormaient. Ils cherchent aussi à comprendre le déroulement des événements avec un intérêt bien plus grand que celui qu’ils peuvent avoir en cours habituellement.

JOL Press : Que faut-il que les élèves retiennent selon vous de tous ces événements ?

Pierre-François Chanu : En culture générale, il faudrait qu’ils arrivent à retenir quelques dates importantes mais ils doivent aussi comprendre l’importance de ces événements, l’importance du Débarquement pour l’histoire de la guerre mais aussi pour l’histoire des relations internationales qui a suivi.

J’aimerais aussi qu’ils comprennent le sacrifice de ces gamins d’Amérique, du Canada et de Grande-Bretagne. Le sacrifice de ce petit soldat de 19 ans de Géorgie qui est venu mourir en Normandie pour sauver le peuple français. Il est mort pour la liberté d’un peuple qu’il ne connaissait pas, dans un pays qu’il ne connaissait pas. Cette idée de sacrifice, nous l’avons un peu perdu aujourd’hui dans les guerres modernes mais il est bon que les élèves se rendent compte de tout cela.

JOL Press : Comment peut-on rendre ce travail de mémoire attrayant ?
 

Pierre-François Chanu : Cette semaine nous allons voir des parachutistes de 20 à 25 ans sauter en uniforme américain. Pour les élèves, ces reconstitutions sont très attractives, elles leur permettent de mieux comprendre ce qui s’est passé. Ils ont en face d’eux un soldat qui parle et qui rend, comme je le disais tout à l’heure, l’Histoire réelle. C’est encore mieux qu’un film. Ils sont dans l’Histoire. Depuis des années, un grand nombre d’associations organisent ce genre de reconstitutions et je pense que cela est excellent pour le travail de mémoire.

JOL Press : Les élèves comprennent-ils vraiment ce qui s’est passé ce jour-là ?
 

Pierre-François Chanu : Ils ne peuvent pas tout comprendre mais on leur donne des clés et ils comprendront petit à petit. Avec la maturité, ils arriveront à replacer cet événement du 6 juin 44 dans l’Histoire globale, ce qu’ils peinent encore à faire. La mise en perspective se fera plus tard, quand ils regarderont tel reportage ou tel film, et à ce moment-là tout ce qu’ils auront appris pendant ces quelques jours facilitera leur compréhension.

JOL Press : Y a-t-il de leur part une demande ? Cherchent-ils à comprendre ?
 

Pierre-François Chanu : Oui, c’est très palpable. En allant sur le terrain, ils comprennent mieux l’intérêt du cours, ils intellectualisent le fait que cela s’est vraiment passé, l’Histoire passe de la fiction à la réalité. Dans cette optique, la visite des cimetières est terriblement efficace. Nous leur avons demandé de choisir dans le cimetière américain le nom d’un soldat mort et de retenir son âge et son pays d’origine, afin qu’ils comprennent bien qu’à chaque croix correspond un homme tombé dans les combats, que ce n’est pas du décor.    

JOL Press : Quel regard portent-ils sur un Américain qui est venu mourir en Normandie ?
 

Pierre-François Chanu : Ils sont reconnaissants même si je ne suis pas certain qu’ils aient encore bien pris conscience des difficultés qu’ont rencontrées les soldats. Si, lors de ce voyage, ils réalisent que cette histoire est bien réelle, alors nous aurons atteint notre objectif. Je souhaiterais qu’ils comprennent aussi que chacun de nos actes a des conséquences dans l’Histoire, à plus ou moins grande échelle, et que les conflits mondiaux ne sont que des successions d’actes posés par certains hommes. L’Histoire n’est pas une frise chronologique qui avance, mais ce sont les hommes et les femmes qui font l’Histoire. 

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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