Site icon La Revue Internationale

Coupe du monde: 4 ans après, où en est l’Afrique du Sud?

shutterstock_54779602.jpgshutterstock_54779602.jpg

[image:1,l]

Le Mondial 2010 a coûté près de 100 dollars par habitant (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Quel est le bilan du Mondial 2010 pour l’Afrique du Sud ? 
 

Amzat Boukari-Yabara : Le bilan est très mitigé. La population locale a bénéficié de la modernisation des infrastructures (transports, bâtiments). Ainsi, plusieurs quartiers ont été entièrement rénovés pour le plus grand bonheur des entreprises de construction qui ont réalisé des marges importantes. La banlieue de Soweto (sud-ouest de Johannesburg), qui était autrefois un ghetto, est devenue une zone très touristique suite à une politique d’expulsion des populations pauvres – y compris par l’usage de la force.

La plupart des emplois créés au moment de la Coupe du monde étaient de nature précaire. Ils étaient liés à un événement conjoncturel et n’ont pas été pérennisés. De plus, les investissements réalisés ont surtout profité à des multinationales, et non à des entreprises sud-africaines. 

JOL Press : Le coût de cette Coupe du monde a-t-il été amorti ? 
 

Amzat Boukari-Yabara : De manière générale, la FIFA et ses entreprises annexes ont imposé à l’Afrique du Sud un cahier des charges qui ne tenait pas compte de la réalité économique du pays. Le Mondial 2010 a coûté près de 100 dollars par habitant. Pour organiser cet événement, le gouvernement sud-africain a dépensé plus de 4 milliards d’euros. Toutefois, le bilan est globalement équilibré, même s’il reste plombé par une privatisation des bénéfices, des scandales financiers et par l’entretien des infrastructures qui représente un coût important.

En termes d’image, la Coupe du monde a été bénéfique. Le pays a montré qu’il était capable d’organiser une compétition sportive internationale, ce qui continue de profiter à l’industrie du tourisme. Au final, le Mondial 2010 a profité à l’Afrique du Sud en matière de communication publique, mais pas au Sud-Africain lambda, dont le niveau de vie ne lui permettait même pas d’acheter un ticket pour assister à un match.

JOL Press : Comment se porte l’économie sud-africaine ?
 

Amzat Boukari-Yabara : Symboliquement, le nouveau gouvernement compte pour la première fois un noir au poste de ministre des Finances, Nhlanhla Nene, mais dans le fond la situation économique de l’Afrique du Sud est assez délicate. Le pays a récemment perdu son rang de première puissance africaine (désormais, c’est le Nigeria qui occupe cette place).

L’Afrique du Sud n’est plus la locomotive du continent. Son économie est entrée en récession cette année – une première depuis la fin de l’apartheid en 1991. Le rand, la monnaie sud-africaine, a perdu la moitié de sa valeur par rapport à l’euro depuis quatre ans. De plus, les investissements directs étrangers diminuent.

JOL Press : Où en est-on sur le front social ? 
 

Amzat Boukari-Yabara : Lors de la Coupe du monde, des salariés avaient entamé une grève des transports (trains et bus) et les agents de sécurité avaient également débrayé. Aujourd’hui, le compte n’y est pas. En 2012, la grève des mineurs de Marikana a montré que le gouvernement de Jacob Zuma a remis en place la stratégie de terrorisation des travailleurs et des pauvres qui était en vigueur du temps de l’apartheid.

La vice-présidence, confiée à Cyril Ramaphosa, ancien syndicaliste et cadre de l’ANC devenu l’une des plus grosses fortunes du pays, contraste avec le discours de Zuma qui annonce des réformes sociales depuis sa première élection. Le pouvoir semble suivre une logique de radicalisation en étant de moins en moins enclin à laisser l’initiative aux travailleurs. Cela est totalement contre-productif car l’Afrique du Sud reste un pays de forte tradition syndicale.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

Quitter la version mobile