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Coupe du monde: le Brésil s’engage dans la lutte contre le tourisme sexuel

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L’afflux de plus de 3,5 millions de touristes brésiliens et étrangers attendus à l’occasion de la Coupe du monde fait craindre une recrudescence du tourisme sexuel. (Crédit photo: Paul Matthew Photography / Shutterstock.com)

« Nous devons tous nous rassembler pour protéger les enfants et adolescents de l’exploitation sexuelle et des abus ». Les mots sont de Neymar, star du football brésilien, qui apparaît aux côtés de Daniel Alves, autre vedette du ballon rond, dans une vidéo de 30 secondes diffusée un mois avant le Mondial 2014.

La campagne de sensibilisation, lancée mi-mai par l’ONG de protection de l’enfance Childhood Brasil et relayée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #BrasilNaDefesaDaInfancia (« le Brésil pour la défense de l’enfance ») profite de l’engouement planétaire suscité par l’événement sportif pour rappeler que, derrière la fête, se cache une réalité bien plus sombre : celle du tourisme sexuel et de l’exploitation des mineurs.

3,5 millions de touristes brésiliens et étrangers attendus

Si le problème touche tous les jours le pays du « futebol », Coupe du monde ou non, l’afflux de plus de 3,5 millions de touristes brésiliens et étrangers attendus à l’occasion du Mondial de foot ne va qu’accentuer le phénomène.

Dans un pays où plus de 20% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et où des milliers d’enfants n’ont pas accès à l’éducation, vivent dans des environnements familiaux instables et, pour certains, sont entraînés dans des trafics de drogue, l’exploitation sexuelle est un danger quotidien.

Malgré une plus grande vulnérabilité des enfants et des mineurs à l’occasion de la Coupe du monde, l’attention mondiale portée à l’événement peut avoir des avantages : « elle pousse le pays à trouver des solutions pour faire face aux impacts négatifs de ces événements », rappelle à JOL Press Anna Flora Werneck, coordinatrice des programmes de Childhood Brasil.

Adidas obligé de retirer des tee-shirts sexistes

Engagé surtout depuis 2008 contre l’exploitation sexuelle, le gouvernement de Dilma Rousseff est entré en guerre contre les abus sur mineurs. 

Après avoir lancé un code de conduite distribué à des nombreux professionnels – réceptionnistes d’hôtel ou conducteurs de taxi – pour lutter contre la prostitution des mineurs, le gouvernement brésilien a également retiré de la vente des tee-shirts de la marque Adidas, sur lesquels on voyait une femme en string, un ballon à la main, accompagnée des mots « Lookin’ to score », qui signifie à la fois « envie de marquer un but » et « envie de conclure ».

Depuis, à plusieurs reprises, la présidente a rappelé sur son compte Twitter l’engagement du gouvernement dans la lutte contre l’exploitation sexuelle.

« À partir d’aujourd’hui, le Brésil dispose d’un instrument juridique solide dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents », écrit la présidente brésilienne dans ce tweet.

Quand le commerce du sexe s’invite sur le terrain sportif

Le Brésil tire également les leçons des précédentes Coupes du monde, marquées elles-aussi par une recrudescence de la prostitution. En 2010 en Afrique du Sud, les organisateurs de l’événement sportif avaient lancé un appel à l’aide internationale pour obtenir un milliards de préservatifs avant le lancement de la compétition, afin d’anticiper l’arrivée des supporters du monde entier.

Certaines associations de lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes avançaient le chiffre de 20% des supporters qui s’adonneraient au tourisme sexuel à cette occasion. La même année, lors des Jeux olympiques d’hiver à Vancouver au Canada, 100 000 préservatifs avaient été distribués pendant les compétitions dont 30 000 dans le Village des athlètes.

En 2006 en Allemagne, l’affaire avait fait grand bruit. La construction de maisons closes et de « drive-in » du sexe près des stades à Berlin avait provoqué une polémique et suscité la colère des associations de défense des droits des femmes. L’arrivée massive des touristes étrangers pour la Coupe du monde avait entraîné le déplacement de plusieurs milliers de prostituées aux abords des lieux sportifs.

Problèmes éthiques

« Les grands événements sportifs – Jeux olympiques, Coupe du monde de football, courses automobiles de Formule 1… – donnent une impulsion aux industries de la prostitution et du tourisme sexuel au profit des hommes et de leur pouvoir d’achat », écrivait Richard Poulin, sociologue spécialiste de la mondialisation de la prostitution, avant le lancement des JO de Vancouver.

« Au moment des festivités sportives, il faut, semble-t-il, permettre aux hommes de se défouler et, pour cela, leur faciliter l’accès au sexe et au corps des jeunes femmes » notait le sociologue canadien, ajoutant que « cet assujettissement d’une partie de l’humanité au plaisir et au pouvoir d’une autre partie, que certain(e)s veulent légaliser, pose pourtant de sérieuses questions éthiques dans un pays qui prétend promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ».

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