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D-Day: c’est la Normandie qui a payé le prix de la Libération de la France

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Une centaine d’anciens combattants français et environ 800 vétérans étrangers sont attendus aux commémorations qui se déroulent en Normandie, ce 6 juin, pour fêter le 70e anniversaire du jour le plus long. Retour sur ces événements qui ont bouleversé l’Histoire.

JOL Press : On dit que la réussite du Débarquement n’a tenu qu’à un fil… Qu’en est-il véritablement ?
 

Jean Quellien : On ne peut dire que la réussite du Débarquement n’a tenu qu’à un fil que sur une des cinq plages, à Omaha Beach. Le film Il faut sauver le soldat Ryan, de Steven Spielberg montre très bien le désastre du Débarquement à Omaha Beach. Les Américains ont peiné à sortir de la plage, il débarquent à 6h30 et c’est seulement un peu avant midi qu’ils arrivent à pénétrer dans le village, c’est-à-dire à franchir seulement 200 mètres. C’est particulièrement long, à tel point que le commandant en chef américain, le général Bradley, a imaginé un moment de dérouter les renforts prévus pour Omaha Beach sur l’autre plage américaine Utah Beach, où le Débarquement s’est déroulé sans le moindre problème.

JOL Press : Qu’est-ce qui a posé le plus de problème à Omaha Beach ?
 

Jean Quellien : Pour comprendre, il faut voir à quoi ressemble Omaha Beach. C’est une belle plage de 7 kilomètres de long, c’est la seule plage disponible dans un paysage côtier de falaises, c’est le seul secteur où il est possible de débarquer. Mais il y a des millénaires, il y avait des falaises sur cette plage, ces falaises se sont progressivement désagrégées et elles ont laissé place à un talus – ce que les géographes appellent une falaise morte – un talus extrêmement raide. Il faut visualiser ce talus truffé de positions d’artilleries, de mitrailleuses et de mortiers allemands, c’était donc extrêmement difficile pour les GI’s de sortir de cette plage.

Les Américains, sachant que ce serait difficile, avaient prévu des bombardements aériens pour détruire les défenses allemandes mais toutes les bombes sont tombées à l’intérieur des terres, elles ont uniquement tuées des vaches… Des tirs d’artilleries de marine – de gros bateaux alliés au large – ont tenté aussi d’annihiler les défenses allemandes, mais sans succès. Les soldats américains se sont donc retrouvés face à des défenses allemandes intactes sur un terrain extrêmement difficile.

JOL Press : Combien y a-t-il eu de pertes sur cette plage ?
 

Jean Quellien : Les Américains emploient le mot « pertes » pour qualifier l’ensemble des tués et des blessés. Les pertes sur Omaha Beach dépassent 4000 hommes, parmi lesquels 1800 tués. En comparaison, à Utah Beach, sur les côtes du département de La Manche, les pertes s’élèvent à 200 hommes : 50 tués et 150 blessés.

JOL Press : L’issue de la guerre dépendait-elle uniquement de ce Débarquement ?
 

Jean Quellien : Globalement non puisque la guerre s’est jouée plutôt sur le front de l’Est mais je pense que s’il n’y avait pas eu de Débarquement, vu l’état des forces en 1944, l’Armée rouge aurait fini par vaincre l’armée allemande. Cela aurait malgré tout pris plus de temps.

En revanche, ce qui est très important pour nous, à l’Ouest, c’est la partie politique : grâce au Débarquement, l’ouest de l’Europe a été libéré par les Occidentaux. S’il n’y avait pas eu le Débarquement, je pense que toute l’Europe de l’ouest aurait été libérée par l’Armée rouge et nous aurions certainement connu le sort des pays d’Europe centrale que tout le monde connaît. D’un point de vue stratégique le front de l’Est est plus important, mais d’un point de vue politique, la réussite du Débarquement en Normandie est capitale.

JOL Press : Comment le D-Day nous a-t-il finalement conduit à la Victoire ?
 

Jean Quellien : Le plus important, en effet, n’est pas tant le Débarquement que ce qui suit : la bataille de Normandie dont on ne parle jamais. On célèbre le Débarquement et on se réveille le 25 août quand Paris est libéré mais il est capital de comprendre ce qui s’est passé entre le 6 juin et le 25 août. Ce qui se passe, c’est la bataille de Normandie qui a permis de vaincre l’armée allemande, grâce notamment à la bataille de la poche de Falaise. A la fin de cette bataille, le 22 août, l’armée allemande reflue à toute vitesse vers les frontières du Reich. La plus grande partie de la France est, par conséquent, libérée très vite sans combat, sans destruction et sans morts comme en Normandie.

[image:2,s]Voyez en quelques dates : Paris est libéré le 25 août, à la fin du mois d’août les armées américaines de Patton sont à Verdun et Montgomery entre dans Bruxelles le 3 septembre. Pourquoi la libération de tout le nord de la France est si rapide ? Parce que l’armée allemande a été écrasée en Normandie et qu’elle n’a plus les moyens de résister.

La bataille s’est éternisée en Normandie – elle a durée quatre fois plus de temps que prévu – les destructions matérielles ont été considérables – des villes et des villages ont été bombardées et entièrement détruits – et on a compté 20 000 morts parmi la population civile. En un mot, c’est la Normandie qui a payé, très largement, le prix de la Libération de la France.

JOL Press : Le reste de la France de l’époque a-t-il suivi ce qui se passait ce 6 juin 44 sur les côtes normandes ?
 

Jean Quellien : La nouvelle du Débarquement est connue un peu partout dès le 6 juin même dans les camps de déportés ou de prisonniers en Allemagne, et ce pour une simple et bonne raison : c’est la radio de Berlin qui a annoncé le Débarquement. Ce n’était pas un secret parce qu’au fond Hitler n’était pas mécontent du Débarquement, il pensait pouvoir rejeter les alliés à la mer très vite et se retourner ensuite sur le front de l’Est contre l’Armée rouge. Tout le monde était donc au courant de ce qui se passait sur les plages normandes ce 6 juin 44.

JOL Press : Qu’est-ce qu’il est important de retenir quand on évoque le D-Day ?
 

Jean Quellien : Le Débarquement, c’est le retour de la liberté. Le 6 juin 44, on sort de 4 ans d’Occupation, ce Débarquement est donc vécu comme une véritable libération. Les jeunes alliés qu’ils soient Américains, Britanniques ou Canadiens n’étaient peut-être pas des mordus de liberté, ils n’ont fait qu’obéir aux ordres. Mais si vous regardez le message que fait lire Eisenhower à tous les soldats avant le Débarquement, le retour de la liberté et l’anéantissement du nazisme sont très clairement exprimés.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean Quellien est l’auteur de nombreux ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale. Son dernier en date : La bataille de Normandie 6 juin 25 août 1944 (Tallandier – 9 mai 2014).

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