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Emploi des seniors: une ségrégation qui ne dit pas son nom

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714 000 personnes de plus de 50 ans sont au chômage en France (Photo: Shutterstock.com)

 
JOL Press : Quels sont les liens entre âge et chômage ?
 

Anne-Marie Guillemard : En France, l’âge est le premier facteur de discrimination à l’embauche, loin devant le handicap. Les données de l’Observatoire des discriminations montrent que les seniors sont très rarement convoqués à des entretiens.

S’agissant de la gestion des carrières, une majorité de DRH hésitent à former ou à promouvoir leurs collaborateurs de plus de 45 ans. Depuis 30 ans, les entreprises ont pris l’habitude, lorsqu’il faut réduire la masse salariale, de mettre en préretraite les plus âgés. 

JOL Press : Comment expliquer que les seniors soient à ce point discriminés ? 
 

Anne-Marie Guillemard : Dans notre pays, les mentalités sont formatées par la culture de la sortie précoce de l’emploi. Souvenez-vous du slogan des années 1970 – 1980 : «Mieux vaut un retraité qu’un chômeur».

Les préretraites ont fixé une limite d’âge à partir de laquelle un individu est perçu comme inemployable. Passé un certain âge (qui n’a cessé de diminuer), il est préférable d’indemniser un employé que de lui donner une chance de retour à l’emploi (via une formation par exemple).

Ce critère de l’âge – qui est devenu l’instrument principal de gestion de la main-d’œuvre – ne tient pas compte des compétences et joue aussi contre les jeunes : les juniors sont inexpérimentés et les seniors sont obsolètes… 

JOL Press : Comment lutter contre ce type de discrimination ? 
 

Anne-Marie Guillemard : Il faut construire d’autres mentalités à l’égard de l’âge. La Finlande a par exemple mis un terme aux mesures d’âge. L’idée étant de mieux gérer les parcours dans leur ensemble, et non de cibler une catégorie, juniors ou seniors, en particulier.

Le slogan finlandais : «L’expérience est une richesse nationale» traduit bien la volonté de renverser l’image dépréciée du travailleur âgé. Ainsi, des politiques publiques ont été mises en place pour former les quadragénaires, de manière à avoir des quinquagénaire performants. 

JOL Press : Pensez-vous que le contrat de génération soit une mesure appropriée ? 
 

Anne-Marie Guillemard : Son principe – associer les seniors à la formation des jeunes – va dans le bon sens. Par ce dispositif, la France ne dissocie pas la problématique de l’emploi des jeunes de celle de l’emploi des seniors. C’est suffisamment rare pour être souligné.

Mais les financements et les mécanismes incitatifs du contrat de génération sont insuffisants. Les entreprises sont menacées de pénalités si elles ne mettent pas en place cet accord. Or, il faut avant tout les convaincre qu’elles font un mauvais calcul en se séparant de leurs seniors.

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