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Espagne: «Podemos», le parti politique dans le sillage des Indignés

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JOL Press : Le nouveau Parti de gauche Podemos a créé la surprise lors des dernières élections européennes, en remportant cinq sièges au Parlement européen. Où ce parti puise-t-il ses racines ?
 

Bernard Bessières : Podemos se définit comme l’héritier des Indignés. Ce parti très ouvert adopte les objectifs et la vision politique de certains mouvements qui se présentent comme des mouvements d’assemblée, de démocratie participative, dans l’esprit du 15M. A une différence près : la mouvance des Indignés était marquée par une structure horizontale, sans leader, alors qu’aujourd’hui Podemos compte un leader connu et reconnu, Pablo Iglesias, en pleine ascension politique.

JOL Press : Comment est perçu Pablo Iglesias dans la société espagnole ? Sa médiatisation lui est-elle reprochée ?
 

Bernard Bessières : Pablo Iglesias est un homme jeune, âgé de 36 ans, maître de conférences à l’Université à Madrid. Il a une formation de sociologue, politologue et philosophe, et a réussi à réunir autour de lui plusieurs universitaires. Pour un certain nombre d’observateurs c’est une espèce de « secte d’universitaires » ; pour d’autres cela prouve que l’on peut être un intellectuel et un homme politique.

Son nom « Pablo Iglesias » évoque tout de suite aux Espagnols le fondateur du parti socialiste espagnol, parti marxiste à la fin du XIX siècle, c’est un peu le Jean Jaurès espagnol. C’est un homme d’un milieu très à gauche, mais une autre gauche : une gauche qui critique fondamentalement le parti socialiste, qui est pour lui un parti de pouvoir.  

Pablo Iglesias est une personnalité très internationale : il est très médiatique depuis quelques années, il dirige deux émissions de radio. Il se rend fréquemment à l’étranger. Alors que les politiques espagnols sont très hispano-espagnols, lui est très ouvert sur l’Amérique latine par exemple.

JOL Press : Quelles sont les revendications de ce parti ?
 

Bernard Bessières : Lorsqu’on lance aux membres de Podemos qu’ils sont un parti « anti-système », ces derniers réfutent et rétorquent qu’ils sont pour un « système juste ». C’est un parti qui se revendique une société plus juste, à travers une démocratie participative. C’est un parti anti-corruption, qui n’est évidemment pas monarchiste mais qui n’est pas non plus obsédé par la question « monarchie ou république », et qui ne se prononce pas sur l’indépendance catalane. La question qui s’impose maintenant est de savoir comment un parti politique peut survivre avec un projet assez idéaliste…

 

JOL Press: « Podemos » est devenu la quatrième force politique du pays. La percée de ce parti témoigne-t-elle du détournement des Espagnols du PSOE, qui a échoué dans son rôle d’opposition ?
 

Bernard Bessières : Les racines de Podemos viennent de la grande critique faite lors du mouvement du 15M. Il s’agissait de renvoyer dos-à-dos toute la classe politique, notamment les deux  grands partis traditionnels, le PSOE et le PP. Aujourd’hui, le parti socialiste est très critiqué pour ne pas avoir joué son rôle d’opposition pendant la crise et contre le Parti Populaire (PP), et finalement d’être un parti du gouvernement.

JOL Press: Quelle place le parti Podemos accorde-t-il à la question de la jeunesse espagnole, alors que le taux de chômage atteint les 56% chez les jeunes de 18 à 25 ans aujourd’hui ?
 

Bernard Bessières : Pour Pablo Iglesias, la situation des jeunes Espagnols est catastrophique. Depuis trois ans, près de 600 000 Espagnols ont quitté l’Espagne. Ils sont des milliers à apprendre l’allemand pour fuir un pays miné par la crise, à laquelle la société n’arrive pas à répondre pour l’instant. La situation de cette jeunesse qui vit chez ses parents, sans projet, et qui fuit l’Espagne est au cœur des préoccupations du leader du parti.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Bernard Bessières est Professeur des Universités à Aix-Marseille. Il a co-écrit l’ouvrage « Espagne : histoire, société, culture » (Editions La Découverte)

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