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Facebook: Existe-t-il une «viralité émotionnelle» sur les réseaux sociaux?

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Photo DR Shutterstock

JOL Press : Peut-on parler d’une « viralité émotionnelle » ?
 

Michael Stora : Le virtuel ne s’oppose pas au réel. Les émotions que nous vivons sur Internet sont bien réelles : elles ne sont pas palpables mais sont réelles. Il existe un lien entre la réalité virtuelle et la réalité psychique. Les relations que nous établissons sur les réseaux sociaux sont amplifiées. Sur Ies plateformes comme Facebook, nous établissons des relations avec des inconnus. Il existe des relations transférentielles assez impressionnantes à l’image d’un patient et de son psy.

Il y a une dimension très narcissique sur les réseaux sociaux : une étude américaine montrait que lorsque les gens avaient une vie sociale riche, ils délaissaient les réseaux sociaux, et lorsque leur vie s’appauvrissait dans la réalité, ils étaient au contraire plus actifs sur les réseaux sociaux : cela les renvoit au sentiment d’être seuls.

JOL Press : Aujourd’hui, la frontière entre le réel et le virtuel a-t-elle été effacée ?
 

Michael Stora : Ceux qui ne distinguent plus le virtuel du réel sont les psychotiques ! Rien ne vaut une rencontre « in real life » : lorsque nous sommes confrontés à nos cinq sens, nous prenons conscience de l’autre tel qu’il est réellement. Mais le virtuel enrichit de plus en plus le réel. Les gens sont en quête de valorisation sur Internet. La valorisation qu’un internaute peut avoir sur les réseaux sociaux peut remplir sa « jauge d’estime de soi » mais ce n’est pas suffisant. Si la valorisation narcissique n’est pas confirmée dans le réel elle n’aura qu’un effet éphémère.  

JOL Press : Pourquoi a-t-on autant besoin de se mettre en scène et de partager nos émotions sur les réseaux sociaux aujourd’hui ? Qu’est-ce que cela révèle de notre société ?
 

Michael Stora : Je pense que chaque pays a sa tradition en lien avec la question de l’image de soi, de la culture du secret. En France, nous avons une culture du caché qui date. Nous en souffrons d’ailleurs : il y a une culture de la culpabilité associée à la dimension chrétienne. Nous voyons bien que la nouvelle génération veut rompre avec cette tendance.

Les anglo-saxons, eux, sont habitués à se mettre en scène : c’est un exhibitionnisme assez sain. Malheureusement – et c’est un point de vue personnel – Facebook est rarement créatif : nous ne savons que reproduire des liens, des vidéos. Internet vient finalement révéler à quel point notre société ne va pas si bien que cela…

JOL Press: Une décennie après sa création, Facebook nous a-t-il transformés ?
 

Michael Stora : Nous ne sommes pas encore arrivés au point de ces grands fantasmes qui consistent à imaginer que le virtuel est plus fort que l’être humain. Facebook est un « Internet-réalité » avec un effet miroir : une sorte de « doudou émotionnel », dont la dérive devient l’addiction. 

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Psychologue et psychanalyste, Michael Stora, a cofondé en 2000, l’OMNSH (Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines) 

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