L’Argentine sera officiellement le 31 juillet en défaut de paiement. Malgré ses efforts pour faire appel de la décision de la justice américaine, le pays sud-américain doit payer une amende de 1,33 milliard de dollars à deux de ses créanciers, les fonds spéculatifs NML Capital et Aurelius Management. Le ministre argentin de l’économie se trouve à New York pour des ultimes négociations avec le médiateur qui restent pour le moment infructueuses. La présidente argentine Christina Kirchner a qualifié de « vautours » ceux qui peuvent faire basculer le pays dans un scénario catastrophe. Entretien avec Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Amérique Latine.
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Les Argentins se retrouvent dans une situation qui rappelle la crise dans de 2009. Crédit : Shutterstock
JOL Press : Comment l’Argentine en est-elle arrivée à être condamnée à payer 1,33 milliard de dollars d’amende ?
Jean-Jacques Kourliandsky : L’Argentine s’est beaucoup endettée en 2001, ce qui avait provoqué la chute du gouvernement et le départ du président. Par la suite, les autorités ont suspendu unilatéralement le paiement de la dette qui affectait les Argentins.
Ensuite, une décote de 70% a été proposée aux créanciers qui ont quasiment tous accepté, sauf un petit nombre qui ont revendu leur partie de la dette à des fonds spéculatifs qui ont saisi les tribunaux américains afin d’obtenir le remboursement à 100%. C’est donc pour cette raison que l’Argentine se retrouve condamnée en appel par un tribunal de New York.
JOL Press : Pourquoi ces créanciers refusent la restructuration de la dette comme l’ont fait les autres ?
Jean-Jacques Kourliandsky : Ce sont des fonds spéculatifs, appelés aussi fonds « vautours », qui jouent au poker en permanence et ont des réserves financières importantes. Ils considèrent qu’ils peuvent faire un investissement judiciaire. S’ils gagnent, ils seront remboursés au centuple. Des sociétés se sont spécialisées dans le recouvrement des dettes privées pour récupérer la mise à la fin.
JOL Press : Christina Kirchner avait tenté de rassurer en juin dernier en expliquant que l’Argentine ne serait pas en défaut de paiement le 31 juillet. Comment va-t-elle faire pour payer la somme astronomique à NML Capital et Aurelius Management (fonds spéculatifs-vautours) ?
Jean-Jacques Kourliandsky : Le problème est que l’Argentine n’est plus dans l’aisance financière de 2005. A l’époque, la balance du commerce extérieur argentin était positive ; elle a donc pu se passer du crédit international parce qu’elle pouvait vivre de ses revenus, mais ce n’est plus le cas.
Il y a un doute sur l’avenir parce que si certain créanciers obtiennent un remboursement à 100% par un tribunal américain, cela voudrait dire que d’autres pourraient suivre cette procédure, et que les 93% qui avaient accepté un accord n’ont aucune raison de continuer avec ce compromis dans la mesure où 7% ont obtenu plus.
Et s’ils remettent en cause les accords avec le gouvernement argentin, le pays est en faillite parce qu’il n’a pas les moyens de rembourser.
JOL Press : Que se passerait-il si l’Argentine se retrouvait en défaut de paiement ?
Jean-Jacques Kourliandsky : C’est un scénario catastrophe qui signifierait un retour à la case départ. Pas simplement pour le pays mais aussi pour les Argentins dans leur vie quotidienne. Sans ce problème, la situation actuelle est déjà difficile. Le gouvernement a rétabli le contrôle des changes depuis l’année dernière, ce qui rend les déplacements des Argentins à l’étranger plus compliqués.
La population pourrait revivre des moments aussi dramatiques que ceux de 2001. Et ils ne sont plus en mesure de taper du poing sur la table comme l’avait fait Nestor Kirchner en 2005 quand la croissance de l’Argentine était de 7 ou 8 points par an.