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Girls Kick It: Anna Phillips convertit au foot les femmes d’Ouganda

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Créée il y a huit ans, l’association « Girls kick it » a pour mission de réunir les femmes du Nord de l’Ouganda et de les inciter à jouer au football. Dans un pays ravagé par la guerre civile pendant près de 20 ans, la pratique du football est un moyen pour celles qu’on appelle « les otages du conflit » de se reconstruire et de gagner leur indépendance. Anna Phillips est à l’origine de cette aventure, la plus belle de sa vie.
 

Un conflit méconnun une guerre qui frappe sans distinction

En 2006, Anna Phillips est étudiante à l’université de Columbia à New York. C’est là qu’elle assiste à une conférence sur la guerre civile en Ouganda. Touchée par la situation dramatique de ce pays africain, la jeune étudiante réalise que les femmes sont les premières victimes du conflit, otages, esclaves sexuels, jeunes soldats… Troublée, elle décide d’interrompre momentanément ses études et part s’installer en Ouganda pour y mener à bien un projet qui lui tient à cœur, une idée qui a germé 
dans sa tête : « je suis une inconditionnelle de sports et, depuis toute petite, j’ai fait de la lutte, du rugby, de la boxe… et même du Jiu Jitsu ! Ces expériences personnelles m’ont convaincue que le sport est un des meilleurs outils pour grandir en tant que personne ». 

L’appel lancé aux femmes

Dans cet esprit, naît en 2007 l’association « Girls Kick it ». Dans un pays où la guerre frappe l’ensemble de la population, sans distinction de genre, pourquoi se focaliser uniquement sur les femmes ? Anna a la réponse : « En arrivant à Kampala, la capitale, j’ai très vite réalisé que les infrastructures et associations sportives n’étaient consacrées qu’aux seuls garçons… »
 
Rapidement épaulée par des soutiens locaux, Anna va de maison en maison, de tribu en tribu, pour expliquer sa démarche aux chefs de famille, dans l’espoir qu’ils laissent leurs femmes et leurs filles intégrer une des équipes. Le concept est sain et ne choque pas les anciens ; les femmes de tout âge répondent tout de suite à l’appel. Et, en 2007, suffisamment de joueuses ont été recrutées pour envoyer deux équipes à la Homeless World Cup, la Coupe du monde des sans-abris organisée à Copenhague.

Le football, parce que l’Afrique…

La jeune femme a choisi le football pour le symbole qu’il représente en Afrique, au-delà de ses aspirations personnelles : « Je ne suis pas du tout réputée pour mes qualités de footballeuse ! (rires). Mais, pour fédérer les Ougandaises, j’ai choisi ce sport car il est le plus populaire en Afrique, et puis c’est si simple d’organiser une partie de foot. Il suffit d’un ballon ». En marge des entraînements, Anna Phillips tente de donner les clés de l’indépendance à ses « girls » et organise, parallèlement, des interventions d’entrepreneurs ougandais, des cours d’économie et des travaux pratiques de mises en situation d’entreprises. En 2011, les GKI – Girls Kick it – montent une véritable mini-usine de vente de poulets, qui leur a permis de financer leur déplacement à la Homeless World Cup, à Paris cette fois – ainsi que de couvrir le salaire des entraîneurs.

Jusqu’en Homeless World Cup

En quittant l’Ouganda, fin 2013, Anna pouvait être fière de son bilan et, notamment, d’être parvenue à envoyer plusieurs équipes à chaque Homeless World Cup. Un don du ciel pour ses jeunes femmes qui débordaient d’enthousiasme à chaque seconde : « on n’a jamais pu gagner la compétition, mais nous sommes toujours reparties avec le trophée de l’équipe la plus chaleureuse ! ». Un vrai bonheur pour ces jeunes femmes ougandaises, qui ont, pour la plupart, grandi avec la guerre.
 
Chez elles, les traumatismes sont encore fort présents, les blessures encore fraîches. Certaines s’expriment, d’autres préfèrent évacuer sur le terrain : « les filles ne parlent pas tout le temps de la guerre, ni de leur douleur. Mais elles sont suffisamment lucides pour se rendre compte que tout cela les unit, et ajoute une dimension émotive très forte à leur aventure collective ».
 
A son départ, Anna Phillips a laissé la gestion de GKI à d’anciennes joueuses de l’équipe. « Je suis partie avec le sentiment du devoir accompli, mais surtout avec beaucoup d’optimisme. Je laisse ce projet aux femmes de là-bas. Elles font preuve d’une envie et d’une application qui m’ont convaincue que « Girls Kick it » étaient désormais entre de meilleurs mains que les miennes ».
 
Arrivée en Ouganda à seulement 21 ans, Anna Phillips a, elle aussi, beaucoup grandi au contact de ces femmes aux destins extraordinaires.
 
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