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Inde: un projet de centrale nucléaire sous haute tension

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JOL Press : Comment est né ce projet de webdocumentaire ?
 

Sarah Irion : Micha Patault est passionné par la question du nucléaire. Son précédent documentaire, «Atomic City», portait déjà sur ce sujet. Lorsqu’il a appris qu’Areva voulait vendre six réacteurs EPR à l’Inde, il s’est rendu sur place, à Sakrinate, en février 2011. Ce village de pêcheurs se situe à côté du site de Jaitapur (à 350 km au sud de Mumbai). L’endroit est très surveillé par les policiers qui ne veulent pas qu’on s’approche du site. Micha a tout de même réussi à rapporter assez d’images pour réaliser un premier teaser.

Nous nous sommes rencontrés en août 2011 à Perpignan, au festival de photojournalisme Visa pour l’Image. Micha m’a ensuite proposé de travailler avec lui sur le projet. Nous sommes partis ensemble en Inde une première fois en février et mars 2012, puis en mars et avril 2013. 

              >>>> «Are Vah !» est en ligne sur les sites de RFI et des Inrocks

JOL Press : Pourquoi ce titre, «Are Vah !» ? 
 

Sarah Irion : «Are vah !» est une des expressions les plus usitées en Inde. Elle exprime l’étonnement, la stupéfaction ou la surprise. Cette interjection peut être traduite par «Ça alors !», «Oh putain !», «Wouah !», «Bravo !» et peut être négative ou positive. 

JOL Press : Quelles sont les problématiques soulevées par «Are Vah !» ? 
 

Sarah Irion : D’abord, selon des géologues indépendants, le site choisi pour construire la centrale n’est pas exempt de risques sismiques.

«Are Vah !» souligne aussi des problématiques d’ordre économique et géopolitique. Le contrat du projet de Jaitapur sera le plus gros jamais signé dans l’histoire de l’Inde. La vente de réacteurs EPR – la fierté d’Areva – est déterminante pour l’industrie nucléaire française. La «renaissance nucléaire» dépend de cette technologie «Made in France».

Nous avons cherché à savoir autour de quoi tournaient les discussions lors de la vente d’une centrale. Un exemple : l’Inde veut que ce soit le fournisseur des réacteurs, et non l’opérateur comme c’est le cas actuellement, qui soit responsable en cas d’accident, ce qui n’enchante pas Areva. Le nucléaire n’est pas une technologie anodine. Pourtant, les négociations se passent comme s’il s’agissait de vendre des voitures…

JOL Press : Pourquoi avoir choisi le format du webdocumentaire ? 
 

Sarah Irion : Le documentaire interactif permet de créer un débat avec les internautes. «Are Vah !» est une «mise en scène» qui imagine ce que serait le site de Jaitapur un fois le premier réacteur EPR achevé, en 2022. Au fil de la visite virtuelle, vous découvrez des contenus (vidéos, infographies, cartes…) qui vous donnent des pastilles d’uranium. Elles vous seront nécessaires pour charger le réacteur en combustible. Démarrer ou démanteler la centrale… à vous de choisir.

On ne voulait pas être donneur de leçons et se contenter de dire «attention, le nucléaire est une énergie dangereuse». Il faut trouver un moyen de subvenir aux besoins croissants en électricité de l’Inde. Comment ? C’est toute la question. La technologie EPR n’a pas fait ses preuves et les opposants critiquent la réelle nécessité du projet. Est-il pertinent de vendre la plus puissante centrale nucléaire au monde à un pays dont les réseaux électriques ont 30 ans de retard ?

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