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Japon: le Premier ministre veut mieux qu’une armée «de défense»

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Le Premier ministre Shinzo Abe a choisi d’ignorer le souhait de la population de conserver le constitution sous sa forme actuelle. Crédit : Shutterstock

JOL Press : Pourquoi le Japon n’a qu’une armée dite « de défense » ?
 

Christophe Sabouret : Après la défaite de 1945, le Japon s’est doté d’une nouvelle constitution en grande partie rédigée par l’occupant américain. L’article 9 interdit à jamais l’usage de la force militaire pour le règlement de différends internationaux. C’est en tout cas l’interprétation formelle qui en a été tirée jusqu’à présent. Mais il faut savoir que lorsqu’on lit l’article dans son intégralité, il comporte une petite partie qui précise qu’il y a des cas exceptionnels, c’est-à-dire que si les circonstances l’exigent le Japon peut faire usage de la force.

Ensuite, cette constitution a été rédigée par les Américains en période de Guerre Froide contre les régimes communistes. Dés le début de la guerre de Corée, les Etats-Unis ont autorisé les Japonais à avoir une armée de fait. C’était d’abord une police puis une armée qui ne dit pas son nom, appelé « forces d’autodéfense ». Dans la réalité, ce qu’interdisait l’article 9 a été en quelque sorte violé.

JOL Press : Dans un sondage du journal The Nikkei, 50% des Japonais se déclarent contre le changement voulu par le Premier ministre Shinzo Abe et seulement 34% sont pour. Pensez-vous que cela reflète l’opinion des Japonais ?
 

Christophe Sabouret : Les Japonais ont beau être culturellement opposés aux Américains, il n’empêche qu’ils sont très attachés à cette constitution qui les a mis à l’abri de la guerre. De fait, ils bénéficient du parapluie nucléaire américain et ils n’ont pas été impliqués directement dans une guerre depuis 1945.

Même si les générations qui ont connu les conflits diminuent, le souvenir des périodes noires de la guerre est encore très présent dans la population japonaise. Etant donné la manière dont s’est finie la Seconde Guerre mondiale avec deux bombes atomiques, les Japonais sont très attachés à la paix. 

JOL Press : La modification de l’article 9 ferait-elle augmenter les tensions dans la région ? Comment les Japonais s’engageraient-ils militairement ?
 

Christophe Sabouret : Shinzo Abe dit que cela ne modifierait pas grand-chose puisque l’armée serait amenée à participer à des opérations de maintien de la paix. C’est pour permettre au Japon de tenir son rang, c’est-à-dire par rapport à son poids économique et diplomatique dans le monde. Il faut voir à qui s’adresse le Premier ministre avec son idée de révision de l’article 9. Aux Japonais, en particulier à son électorat auquel il a toujours promis de revenir sur cette question s’il était élu, ou aux étrangers et notamment les Chinois.

Les Américains sont favorables à davantage de prise en main par les Japonais de leur propre sécurité. Je ne pense pas que les Chinois aient une quelconque intention de faire la guerre dans la région, mais ils jouent un jeu auquel les Japonais répondent en disant : « si on voulait, on pourrait et nous ne serions pas empêchés par une question de constitution. » C’est donc à la fois une question symbolique et diplomatique.

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