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«La France n’a pas une culture de prévention au suicide»

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Photo DR Shutterstock

JOL Press : Selon une étude menée par des chercheurs britanniques, la crise économique de 2008 a provoqué le suicide de 10 000 personnes en Europe et aux Etats-Unis. Le taux a-t-il explosé en France ?
 

Jean-Claude Delgènes : C’est une étude intéressante, en sachant qu’en France nous avons un vrai problème au niveau des statistiques…Il y a un décalage important entre les statistiques et l’actualité : les derniers chiffres publiés par le ministre de la santé et de l’Inserm renvoie à 10500 morts et cela remonte à trois ans. En France, il y a un véritable problème de collecte des données. Des chiffres au niveau européen montrent que le travail est un facteur de protection. Lorsqu’on est une situation de précarité, il y a deux fois plus de risques de passer à l’acte, mais en France on ne sait rien. Il y a un trou noir sur les facteurs suicidaires. 

JOL Press : Le facteur est un travail de protection mais il peut également précipiter vers le passage à l’acte dans certains cas ?
 

Jean-Claude Delgènes : C’est exact. Le travail peut être un facteur prédictif de suicide dans le cas d’individus en syndrome d’épuisement professionnel. Si les personnes épuisées physiquement, psychologiquement et émotionnellement rencontrent un obstacle ou traversent une épreuve, il y a un risque qu’elles passent à l’acte. La question du harcèlement et celle des mobilités sont également à prendre en compte.

JOL Press : En ce qui concerne la prévention, comment se situe la France par rapport à nos voisins européens ?
 

Jean-Claude Delgènes : La France n’a pas une culture de prévention contrairement à l’Angleterre qui a commencé à se préoccuper de la prévention des suicides dans les années 50, alors que le premier plan de prévention en France remonte à 2000. Nous avons donc 50 ans de retard. Bien que les choses commencent a changé, la France a toujours pensé que la crise suicidaire était une affaire personnelle.

C’est pour cette raison, qu’en mars 2011, nous avons envoyé une lettre ouverte au ministère de la santé de l’époque Xavier Bertrand, car nous considérions que le suicide est un problème de santé publique. On voit bien aujourd’hui que la montée de la précarité et la multitude de plans sociaux provoquent des passages à l’acte.

JOL Press : Y-a-t-il une évolution ces dernières années en France, comme le prouve la récente création de l’Observatoire des suicides ?
 

Jean-Claude Delgènes : La création de cet Observatoire remonte au mois de septembre dernier. C’est donc très récent… Mais il est indéniable que c’est une avancée considérable : je compte beaucoup sur les études qui seront menées pour rattraper le temps perdu. Je ne suis pas négatif sur toute la ligne. Il faut reconnaître que des mutations sont en marche. On commence par exemple à voir une certaine sensibilisation des managers, mais il y a encore du chemin à faire. Il faudrait par exemple mettre en place au moins une demi-journée de formation pour apprendre aux managers à faire face à quelqu’un qui traverse une crise.

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Jean-Claude Delgènes est le fondateur et directeur général de Technologia un cabinet d’évaluation et de prévention des risques professionnels.

[image:2,s] Plan Solidarité Emploi, le 1er réseau social d’aide au retour à l’emploi 

Plan Solidarité Emploi a pour ambition de préserver les demandeurs d’emploi des dangers de la désocialisation, un des symptômes les plus destructeurs du chômage. 

Réseau d’entraide et de solidarité sans équivalent, Plan Solidarité Emploi met en relation des demandeurs d’emploi et des professionnels en poste ou à la retraite. 

Ces « compagnons de l’emploi » sont volontaires pour écouter et orienter ceux qui en ont besoin. 

JOL Press – média citoyen sur Internet – soutient Plan Solidarité Emploi. 

Aujourd’hui, nous travaillons tous pour l’emploi ! 

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