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Le modèle chinois est-il au bord de l’implosion?

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Derrière la façade du succès, la Chine cache de nombreuses faiblesses (Photo: Shutterstock.com)
 
JOL Press : Dans votre livre, «Chine : colosse aux pieds d’argile», le tableau que vous dressez est assez sombre…
 

Dominique Jolly : Ce livre s’interroge sur les fragilités du modèle économique et social chinois. Un bon manager doit être au courant des risques à affronter. Cela ne veut pas dire que ces risques vont se produire. Simplement, il faut savoir qu’ils existent.

Je n’ai pas cherché à dresser un tableau complaisant. J’ai voulu aller à contre-courant du sentiment général de sino-béatitude. Confronté à plusieurs limites, le système chinois va devoir se transformer. Les dirigeants sauront-ils dépasser ces difficultés ? C’est toute la question. 

                >>>> Les bonnes feuilles de «Chine : colosse aux pieds d’argile»
                          – La Chine malade de ses exportations
                          – Chine : corruption à tous les niveaux et sous toutes les formes

JOL Press : Quels sont les problèmes qui pourraient faire vaciller la Chine ? 
 

Dominique Jolly : Il faut d’abord souligner que c’est la conjoncture de plusieurs limites qui pourrait faire imploser le système chinois. Cela étant, le problème de la pollution de l’air est très grave. En 2009, la Chine a dépassé les Etats-Unis sur le plan des émissions de CO2. C’est d’autant plus inquiétant que la production chinoise est inférieure à celle des Américains.

La catastrophe écologique ne touche pas seulement les grands centres urbains. On ne compte plus le nombre de villages où les sources d’eau sont polluées, les sols contaminés, le taux de cancer en hausse etc. Les Chinois n’ont pas encore développé de conscience environnementale.

JOL Press : Que faut-il craindre le plus, les limites économiques ou sociales ? 
 

Dominique Jolly : Le creusement des écarts de revenus est un facteur de tensions sociales fortes. Les inégalités sont devenues vertigineuses. Le nombre de millionnaires et de multimillionnaires a explosé. Les pauvres sont vus avec dédain par les riches qui vont devoir être moins exubérants pour ne pas trop faire saliver le petit peuple.

Tant que les pauvres voient leurs revenus augmenter, tant qu’ils estiment que les chances de réussite sont les mêmes pour tout le monde, pas de raison majeure de s’inquiéter. Mais nous sommes en train de passer des riches de première génération aux riches de deuxième génération, les «fils de». La probabilité de faire fortune va diminuer pour les autres. Ceux qui ne sont pas dans le bon circuit vont de moins en moins accepter ces différences.

JOL Press : Le ralentissement de la croissance ne semble pas trop vous inquiéter… 
 

Dominique Jolly : La croissance à deux chiffres en Chine, c’est fini. Actuellement, le PIB tourne autour de 7,5%, ce qui est tout à fait raisonnable. Mais tôt ou tard, la croissance devrait se stabiliser à un niveau plus standard, 3 ou 4%, voire moins. La question est de savoir quand cette inflexion va se produire et comment : de manière brutale ou de manière progressive ?

On peut lire mon livre de deux façons : soit on ne voit que les aspects négatifs ; soit on considère – et c’est très chinois de penser ainsi – que tout problème a une solution. Par exemple, une des conséquences de la politique de l’enfant unique est le vieillissement de la population. Le nombre d’actifs diminue, mais il y a un véritable marché à construire autour des personnes âgées. 

JOL Press : Quelles seraient les conséquences d’un vacillement de la Chine pour le reste du monde ? 
 

Dominique Jolly : Si l’économie chinoise devait s’effondrer, ce serait dramatique pour les entreprises étrangères. Une société comme Carrefour emploie plus de 60 000 personnes en Chine. Le secteur de l’aéronautique doit principalement son salut à la demande chinoise. Swatch Group, Ericsson, BMW et bien d’autres firmes seraient touchées. Si la Chine devait vaciller, l’imbrication est telle que c’est le monde entier qui serait secoué.

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Dominique Jolly est professeur de stratégie d’entreprise à SKEMA Business School (Sophia Antipolis, France). Il est aussi visiting professor à la CEIBS (China Europe Internationale Business School) de Shanghai. Grand connaisseur de la Chine, il conseille des entreprises européennes sur leur stratégie chinoise.

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