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Mauritanie: le président Aziz face au boycott des élections

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Fin de campagne en Mauritanie. Samedi 21 juin, 1,3 million d’électeurs mauritaniens sont appelés à élire leur président. Après cinq ans passés à la tête de la présidence de la République, le candidat à sa propre succession Mohamed Ould Abdel Aziz est le favori du scrutin.

« Aziz contre Aziz »

L’ancien général, auteur du coup d’État de 2008 contre le président Sidi Cheikh Abdallahi, a dominé la campagne face à quatre autres candidats, trois hommes et une femme. Dans un pays multi-ethnique qui fait le lien entre le Maghreb et le Sahel, assis sur d’importantes ressources naturelles, l’élection n’a pas soulevé les foules.

« [L’élection] ne fera certainement pas date dans les annales de notre histoire politique, tortueuse et agitée », lit-on sur le site d’informations mauritanien Biladi dans un édito publié deux jours avant le vote. « En dépit du nombre de candidats (cinq), un seul émerge : le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, candidat à sa propre succession et sûr de remporter la partie », continue l’éditorialiste.

Dans la capitale, Nouakchott, les rues se sont couvertes d’affiches du président Aziz, qui endosse également la fonction de président de l’Union africaine. « Aziz contre Aziz », titrait le quotidien Biladi la semaine dernière, en pleine campagne électorale, déplorant qu’à chacune de ses sorties, « le principal candidat à sa propre succession […] ne cesse de s’auto-satisfaire du bilan qu’il a réalisé ».

Une croissance de 6%…

Un bilan en demi-teinte, tout de même marqué par la réduction de la corruption, un engagement pour défendre les libertés fondamentales et notamment celle de la presse, ou encore la lutte contre le terrorisme, en collaboration avec ses pays voisins et partenaires occidentaux, qui prennent conscience de la position-clé de la Mauritanie dans le jeu géopolitique.

« Les investissements étrangers ont augmenté de façon constante, et la confiance des investisseurs dans la crédibilité de la Mauritanie grandit » indique, sur le site Middle East Eye, Mouhamed Lemine El Kettab, maître de conférences à l’Université de Nouakchott et président de la branche mauritanienne de l’Organisation arabe des droits de l’homme. « En conséquence, le pays est financièrement à flot et le taux annuel de croissance économique a atteint 6% en 2014 », poursuit l’expert.

Lors d’un meeting tenu dimanche dernier à Nouadhibou – à 475 kilomètres au nord de Nouakchott – le président sortant a tenu à rappeler que le taux de chômage était passé de 31% à moins de 10% pendant son mandat, que l’impôt sur les bas salaires avait été supprimé et que l’inflation avait été maîtrisée, précisant que le pays avait enregistré en 2012, pour la première fois, un excédent budgétaire.

… Mais 40% de la population sous le seuil de pauvreté

« Pourtant, la prospérité qu’attendent les Mauritaniens ne s’est pas, jusqu’à présent, matérialisée, alors que plus de 40% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. En termes de santé, d’alphabétisation et d’emploi, il reste encore beaucoup à désirer », indique encore Mouhamed Lemine El Kettab.

Autre question-clé du scrutin : le problème de l’esclavage qui, malgré son interdiction inscrite dans la Constitution mauritanienne en 2012, continue d’être une réalité dans le pays. C’est d’ailleurs devenu l’un des chevaux de bataille de Biram Ould Dah Ould Abeid, un des quatre autres candidats à l’élection présidentielle, qui n’a cessé de dénoncer pendant la campagne la domination des Maures, et de revendiquer l’égalité des droits pour les Haratine – descendants d’esclaves – et d’autres ethnies noires de Mauritanie.

Appel au boycott

Face à ces questions, la scène politique mauritanienne est toujours aussi divisée. Cette profonde polarisation « entre le gouvernement et les partis d’opposition […] menace également la paix sociale et mine les institutions constitutionnelles du pays », rappelle M. Kettab qui explique que cette polarisation est due, « d’une part, à l’incapacité des partis d’opposition à coordonner leurs actions […] et dautre part, à l’absence de volonté du gouvernement d’engager un dialogue sérieux avec eux ».

Les multiples appels au boycott des élections par le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), qui regroupe une dizaine de partis d’opposition lassés de voir le président Aziz monopoliser le paysage politique, ont miné la campagne du chef de l’État, qui a répondu à l’appel au boycott en accusant le FNDU de « confisquer les cartes d’identité des citoyens et d’acheter les consciences avec de l’argent douteux ».

Accusation retournée par le FNDU qui a rétorqué, dans un communiqué, que « ceux qui achètent les consciences et distribuent l’argent dont l’origine est douteuse sont connus de tous », dénonçant implicitement le gouvernement. Le boycott, principal « concurrent » du président sortant, avait déjà sévi en janvier dernier lors des élections législatives et municipales en Mauritanie.

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