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Présidence de la Commission: Juncker vaut-il un clash européen?

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Jean-Claude Juncker est l’ex-Premier ministre du Luxembourg et l’ancien président de l’Eurogroupe (Photo: Shutterstock.com)

 
JOL Press : Peut-on encore douter de la nomination de Jean-Claude Juncker au poste occupé par José Manuel Barroso ?
 

Olivier Costa : Le doute est permis. Tout dépend de ce que David Cameron va mettre dans la balance lors du Conseil européen des 26 et 27 juin. Le Premier ministre britannique n’aurait pas de minorité de blocage lors d’un vote à la majorité qualifiée. Mais il pourrait menacer d’organiser un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne ou de bloquer les décisions qui sont prises à l’unanimité au sein du Conseil européen par exemple.

La nomination de Juncker à la tête de la Commission vaut-elle ce prix ? Je crois que les menaces proférées par Cameron feraient réfléchir les autres dirigeants de l’UE. Il est possible pour un chef d’Etat ou de gouvernement de rendre le fonctionnement de l’Europe assez difficile. On se souvient du général de Gaulle qui a opposé deux fois son veto, en 1963 et 1967, à l’adhésion de l’Angleterre à la Communauté économique européenne (CEE), et bloqué le fonctionnement du Conseil durant le second semestre 1965.

JOL Press : Le Conseil européen des 26 et 27 juin s’annonce explosif… 
 

Olivier Costa : Je ne pense pas qu’on ira jusqu’au clash. Les Vingt-Huit se débrouilleront pour élargir les négociations. Si, malgré les pressions exercées par Cameron, Juncker devenait le nouveau président de la Commission, des concessions seraient faites au Premier ministre britannique (en termes de réforme des institutions, de nomination d’autres acteurs de l’UE, de réorientation de l’action de l’Union, etc.). L’Europe a toujours été une affaire de compromis. 

JOL Press : Quels sont les enjeux de la nomination du président de la Commission ? 
 

Olivier Costa : L’enjeu est d’abord institutionnel. Le traité de Lisbonne ne dit pas que le Conseil européen doit choisir le candidat proposé par le Parlement. Le Conseil européen doit simplement «tenir compte» du résultat des élections européennes. Si le Conseil européen choisit le candidat proposé par le Parlement, il ne pourra plus en être autrement, et la pratique sera sans doute inscrite dans les traités lors de la prochaine réforme institutionnelle.

Le deuxième enjeu est politique. De quelle Europe les Etats membres veulent-ils ? Jean-Claude Juncker est un fédéraliste, c’est un homme du système – il a été président de l’Eurogroupe de janvier 2005 à janvier 2013. Il incarne une certaine conception de l’intégration européenne qui fait horreur aux souverainistes et aux eurosceptiques. 

Enfin, Juncker est le candidat du centre droit. Même si les dirigeants sociaux-démocrates le soutiennent, ils ne se satisferont pas de la nomination d’un conservateur qui incarne la politique d’austérité prônée par Angela Merkel sans quelques garanties et compensations.

JOL Press : A quel point la gauche européenne soutient-elle Jean-Claude Juncker ? 
 

Olivier Costa : C’est toute la question. On assiste à une partie de poker menteur concernant les appuis dont bénéficie réellement Jean-Claude Juncker. Les dirigeants de gauche pourraient monnayer leur soutien contre la présidence du Conseil européen, actuellement occupée par Herman Van Rompuy, et celle du Parlement européen, convoitée par Martin Schulz. Les postes seront de toute manière distribués en fonction d’équilibres politiques et géographiques. Les sociaux-démocrates pourraient aussi réclamer d’avantage de souplesse dans la lutte contre les déficits. Encore une fois, il s’agit de trouver un consensus.

J’évoquais précédemment les raisons qui pourraient empêcher la nomination de Juncker. L’ancien Premier ministre luxembourgeois ne serait, en outre, pas vraiment motivé par ce poste et préférerait la présidence du Conseil européen. Enfin, un certain nombre de dirigeants doutent de ses capacités à être un leader dynamique parce qu’ils l’estiment usé et fatigué. Tout cela fait que les chefs d’Etat et de gouvernement ne sont peut-être pas prêts à se battre pour Juncker.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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