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Que révèle la consommation massive d’alcool chez les jeunes?

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L’émission sur la consommation massive d’alcool des jeunes prochainement diffusée sur France 4 suscite la polémique – Photo : Shutterstock

JOL Press : Phénomène du « binge drinking »: comment expliquer cette quête de l’ivresse express chez les jeunes aujourd’hui ?
 

Jean-Pierre Couteron : L’explication la plus logique est une explication socio-anthropologique. Les critères dans laquelle s’inscrit la prise de produit sont en train de changer. Aujourd’hui, trois paramètres contribuent à cela : le premier c’est le lien à l’autre qui a considérablement changé, nous sommes dans une société où les appartenances collectives ont diminué : on est « moins » de son village, on est « moins » de son quartier ou de son entreprise : ce qui était autrefois appartenance se modifie.

Et d’un autre côté, nous sommes dans une société où la notion de sensation et celle de vitesse a considérablement changé : nous aimons les sensations de plus en plus fortes, extrêmes, et culturellement nous voulons réduire au maximum le moment où « je veux » et le moment où « j’obtiens ». Le modèle d’alcool aigue prend donc le dessus sur le modèle d’alcoolisation chronique.

JOL Press : Quels sont les risques de cette alcoolisation aiguë ?
 

Jean-Pierre Couteron : Le risque est triple : il y a d’abord un risque d’accidentologie lié à la prise massive d’alcool, le deuxième concerne les bagarres, les violences et les agressions sexuelles. Enfin, le troisième risque concerne les comas éthyliques, une « overdose d’alcool ».

JOL Press : Les défis autour de l’alcool comme « Neknomination » sur les réseaux sociaux ont-ils accentué le phénomène d’hyper-alcoolisation des jeunes aujourd’hui ?
 

Jean-Pierre Couteron : L’hyper-alcoolisation des jeunes existait avant l’apparition des réseaux sociaux, mais il est vrai qu’avec les plateformes comme Facebook, il y a une certaine distance, donc la responsabilité peut être diluée. La notion de défi est sauvegardée mais celle de solidarité mise à mal avec les réseaux sociaux. Avant, on pouvait se donner un défi en direct,  mais l’on pouvait toujours intervenir pour dire à la personne de renoncer au geste au dernier moment.

JOL Press : Un programme montrant des jeunes sous « binge drinking » devrait être diffusé sur France 4 à la rentrée : le concept de l’émission fait déjà polémique… Etes-vous convaincu par l’argument « pédagogique » ?

 

Jean-Pierre Couteron : Ce programme a été très mal présenté, comme si on allait uniquemment mettre des jeunes sous « binge drinking » devant des caméras. Quand on se penche plus en détails sur sur cette émission, on apprend qu’elle est soutenue par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), par le docteur Philippe Batel, addictologue à l’hôpital Beaujon (Clichy).

Cela permet d’utiliser cette culture de l’image, et cette idée de « voir pour y croire » pour essayer de travailler avec les jeunes. Cette émission ne consiste donc pas à mettre les jeunes sous « binge-drinking » et de tomber dans quelque chose de trash, mais aussi de les aider à mieux appréhender les effets déstructurants de l’alcool, afin que le discours de la prévention sur l’acool soit réapproprié.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Jean-Pierre Couteron est psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction

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