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Quel héritage la Coupe du Monde laissera-t-elle aux Brésiliens?

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Les plupart des Brésiliens ne verront aucun effet bénéfique de la Coupe du Monde. Crédit : Shutterstock

Tout semblait pour le mieux quand la Coupe du Monde a été attribuée au Brésil en 2007.

Le choix du pays du football par excellence semblait combler tous les fans de ballon rond, les joueurs et les dirigeants. Mais à quelques jours du début de la compétition, force est de constater que les 9 milliards dépensés pour son organisation ne devraient pas vraiment bénéficier aux Brésiliens.

Des stades aux coûts exorbitants

Au total, 2,6 milliards auront été dépensés par le Brésil pour construire ou rénover des stades. Celui de la capitale Brasilia par exemple aura coûté 520 millions d’euros. Le point positif est qu’il est le plus écologique du monde, avec un système de plaques photovoltaïques et de récupération de l’eau de pluie qui le rendra quasiment autosuffisant énergétiquement. Le problème, c’est que cet argument écologique a été utilisé à outrance par le gouvernement et peine à convaincre la population pour justifier son prix.

Autre problème majeur : l’utilisation de ces stades. Si le « Mané Garricha » de Brasilia devrait être utilisé régulièrement après la Coupe du Monde, c’est loin d’être le cas de tous. Celui de Manaus par exemple, au cœur de la forêt Amazonienne, a créé un véritable scandale. Outre le choix de cette ville très difficile d’accès, « l’Arena da Amazônia » ne devrait servir quasiment à rien après avoir accueilli les quatre matchs de la compétition qui y sont programmés.

D’une capacité de 40 000 places et d’un coût de 205 millions d’euros, la seule équipe qui pourrait l’utiliser est celle du club Nacional. Mais ce dernier évolue en quatrième division et seulement 2 000 supporters assistent à ses matchs. Sans compter le coût d’entretien d’une telle enceinte qui s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois…

Les favelas et les indigènes cachés

Autre point de faux espoir pour les Brésiliens : le « nettoyage » des favelas. Depuis l’attribution de la Coupe du Monde, le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff s’est engagé dans une politique de pacification qui consiste à repousser et arrêter le plus de membres de gangs possibles. Pas question pour les touristes d’être agressés ou de donner l’image d’un pays où ne règne aucune loi.

Fin mai, le Think Tank brésilien Mapa da Violencia annonçait le nombre de 56 337 homicides pour la seule année 2012. Autrement dit, l’un des plus élevés du monde. Mais si l’idée de pacifier les favelas paraît louable, les résultats sont bien différents. Même si le taux d’homicide a chuté dans les quartiers où la police a remplacé les trafiquants, les habitants continuent de vivre dans la misère.

A Rio de Janeiro par exemple, qui accueillera après la Coupe du Monde les Jeux Olympiques de 2016, des habitants sont expulsés parce que leur maison offre un point de vue très apprécié sur les hauteurs. Et pour l’instant, la priorité des dépenses n’est pas dans les questions de santé où d’éducation, mais bien dans les infrastructures sportives et touristiques.

[image:2,s] Malgré les promesses de Dilma Rousseff et de la FIFA, les plus démunis ne souffrent pas que dans les favelas. Les Indiens Guarani par exemple, qui vivent dans le sud du pays, ont été durement réprimés après avoir manifesté contre la spoliation de leurs terres. Coca-Cola, l’un des principaux sponsors de la compétition, n’a pas réagi aux demandes des Guarani qui l’appelaient à arrêter d’acheter du sucre à l’entreprise Bunge qui exploite ces mêmes terres dont ils ont été expulsés.
Si malgré la pression médiatique, la FIFA, le gouvernement brésilien et Coca-Cola ne réagissent pas, il y a fort à parier que rien ne changera après la Coupe du Monde.

Des retombées économiques minimes

Contrairement à ce qu’a annoncé Dilma Rousseff à propos des recettes et de l’augmentation de la croissance après la compétition, le Brésil devrait en sortir largement perdant financièrement. Comme l’explique l’économiste du sport Jean-Jacques Gouguet sur le site SudOuest.fr : « les pays organisateurs de la Coupe du monde de football depuis trente ans ont obtenu des résultats moindres en termes de croissance que pendant les périodes précédant et succédant à l’événement. »
En d’autres termes, les derniers pays à avoir accueilli la compétition en sont toujours sortis déficitaires, et aucun d’eux n’avaient jusque là dépensé autant que ne l’a fait le Brésil. Le pays devrait toucher 3 milliards d’euros de bénéfices, soit 1/3 de ce qui a été investi officiellement.

Le vrai grand gagnant de cette édition devrait encore être la FIFA. La Coupe du Monde de 2010 en Afrique du Sud avait rapporté pas moins de 4,2 milliards d’euros à la fédération présidée par Sepp Blatter. Cette dernière est depuis quelques mois sous le feu des critiques concernant l’attribution au Qatar de la compétition de 2022. Sans compter les règles imposées par la FIFA au Brésil qui vont parfois à l’encontre de la législation locale comme la vente de bière alcoolisée dans les stades, interdite depuis 2003, qui sera à nouveau autorisée pour la Coupe du Monde sous la pression du géant américain Budweiser, l’un des principaux partenaires de la FIFA.

Un mélange des genres expliqué avec humour par le comique John Oliver dans son émission Last Week Tonight, qui pointe également du doigt l’anomalie de voir les gens manifester à l’approche d’un évènement tant attendu au Brésil. Certains souhaitent même ouvertement la défaite de leur pays, espérant ainsi accélérer la chute de l’actuel gouvernement.

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