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Un Bad Godesberg pour les socialistes français

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Après la victoire du Front National aux dernières élections européennes, la France devra s’interroger sur ses principes républicains. Au moment où la cote de popularité de François Hollande ne cesse de baisser, au point de valser, le Parti Socialiste doit plus que jamais passer à l’offensive idéologique.

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Cela oblige le président de la République à imposer à ses camarades une dynamique semblable à celle ayant été impulsée au congrès qui s’était tenu en novembre 1959 à Bad Godesberg[1], en Rhénanie. Après les différentes affaires qui ne cessent de discréditer la classe politique, contrairement aux propositions timorées sur la vie publique selon Lionel Jospin[2], il va falloir de l’audace et de la clarification dans la pratique et la gestion de la chose publique. Au-delà de la réforme territoriale en cours, François Hollande devra à tout prix pousser sa majorité parlementaire à révolutionner la manière de s’occuper des affaires de l’Etat. Cela passera avant tout par la reconfiguration du mode électoral.

Les diverses catégories d’élections

L’élection présidentielle est un scrutin uninominal majoritaire réduit au second tour aux deux candidats les mieux placés[3]. Il faudra supprimer la restriction à deux candidats au vote du second tour, et laisser libres les candidatures, par un minimum de voix obtenues au premier tour[4].

Les élections sénatoriales[5] devront avoir lieu, par tiers, au suffrage universel. Pour plus de cohérence, leurs circonscriptions seront découpées selon les circonscriptions législatives et élaborées de façon à comporter un nombre d’électeurs à peu près constant, environ 130 000 par circonscription, à 20 % près. Ce découpage sera effectué de manière à ne pas favoriser les campagnes au détriment des villes, car il existe de moins en moins de paysans[6].

Si les élections cantonales sont maintenues, compte tenu de la proposition en cours sur la réforme territoriale, elles seront un scrutin majoritaire uninominal à deux tours et les conseillers généraux seraient renouvelés par moitié tous les trois ans. Dans ce cas, le découpage des cantons devra être aussi équilibrés que possible et calqué sur le même modèle que celui des élections législatives. Quant aux élections législatives et municipales, elles seront un scrutin de liste à deux tours.

Les élections municipales

La loi électorale, à propos des élections municipales, est basée sur un principe satisfaisant mais à rectifier. En effet, entre les deux tours, il faudra attribuer 2/5ème des sièges du Conseil municipal à la liste majoritaire et repartir à la proportionnelle les 3/5ème restants entre les listes du second tour. Cela ne s’appliquera qu’aux communes d’au plus 3 000 habitants. Pour les communes de plus de 3 000 habitants, le scrutin resterait le même qu’actuellement.

Les élections législatives

Le scrutin des élections législatives devra être mixte : à la fois un scrutin majoritaire au premier tour et proportionnel au second. Chaque circonscription devra comporter un nombre égal d’électeurs, à 10 % près, compte tenu du total d’électeurs de 18 ans et plus inscrits sur les listes électorales et du nombre de députés[7]. L’idéal consistera à avoir 2 députés pour 1 sénateur. C’est pourquoi les découpages de circonscriptions sénatoriales et législatives devront être géographiquement similaires. Les partis politiques présenteront des listes composées respectivement du nombre de parlementaires prévus par département, chaque député correspondant à une circonscription déterminée. Dans l’absolu, l’actuel département devra configurer ladite circonscription. Cela permettra de réduire le nombre d’élus à l’Assemblée nationale.

Les élections régionales

Les élections régionales est un scrutin proportionnel intégral. Afin d’éviter les difficultés de l’exécutif régional dues au système en cours, et de faciliter des négociations relatives aux regroupements de listes au second tour, il faudra préconiser pour les listes régionales un mode électoral analogue à celui des élections municipales. Ainsi faudra-t-il un scrutin de liste, avec 2/5ème des sièges attribués dès le premier tour à la liste qui obtiendra le plus grand nombre de voix et, après un regroupement éventuel des listes entre deux tours, une répartition des sièges à la proportionnelle au second tour. Les avantages du système prévu pour les élections municipales s’appliqueront également aux élections régionales.

La majorité électorale

La réforme électorale ne devra pas se borner au seul mode de scrutins. Il faudra baisser à 16 ans l’âge où l’on devient électeur, lequel est celui de fin de scolarité obligatoire. En effet, on peut admettre le principe selon lequel un jeune homme et une jeune fille, aptes à gagner leur vie, ou à devenir parents, sont également aptes à acquérir leurs droits civiques. L’expérience montre que si les études se prolongent au-delà du baccalauréat obtenu en général à 18 ans, la maturité politique de la jeunesse, devenant adultes est davantage précoce. De plus, l’information des jeunes grâce aux médias est de plus en plus accentuée. Ils peuvent donc exercer leur droit de vote dès l’âge de 16 ans. De plus, il n’y a pas de raison de se contenter d’une limite inférieure pour les droits civiques, alors que, en sens inverse et par la force des choses, il n’existe pas de limite d’âge supérieur au droit de vote et d’éligibilité – tout citoyen gardant le droit de voter et de se faire élire tant qu’il y est apte.

Les autres couches et catégories sociales

Ces adaptations devront aussi concerner les citoyens en difficulté, par exemple les sans domiciles fixes, ou les résidents des centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Leur inscription sur les listes électorales devra être possible chaque année, à condition qu’ils soient en règle au regard de l’administration. Pourquoi priver de leurs droits de tels électeurs, sous prétexte qu’ils n’ont pas de domicile fixe ? Leur opinion devra aussi être prise en compte, s’agissant de la gestion de la chose publique.

Tôt ou tard, il faudra faire voter et élire les étrangers aux élections municipales. Celles-ci sont les seules à concerner directement la vie des citoyens dans la cité. Elles doivent prendre en compte l’électorat qui se trouve sur son territoire.

Par ailleurs, pour inciter les gens à participer davantage aux différents scrutins, il serait souhaitable de tenir compte des bulletins blancs et de pouvoir en tirer les conséquences au cas où ceux-ci seraient majoritaires. Tout comme il est très important que la diversité de la population française soit respectée dans la gestion de la chose publique et dans la représentativité politique. Ainsi faudra-t-il légiférer sur le non-cumul des mandats, leur limitation dans le temps et sur le statut de l’élu.

Regagner la confiance des électeurs

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La paralysie des régimes politiques, de 1977 à nos jours, a engendré une désespérance accentuée par l’augmentation du nombre de pauvres qui mendient dans les rues, l’absence de logements décents pour les plus démunis, l’inquiétude face au chômage, etc. Depuis l’avènement de François Mitterrand à la magistrature suprême en 1981, la règle démocratique de l’alternance a amené les populations à voter contre les socialistes. Ces derniers n’ont pas su cerner les réactions viscérales des électeurs qui leur ont souvent retiré leur confiance.

Faire de la société un objet de réflexion et de sciences, « l’apposer comme une entité idéale au-delà des individus vivants » n’empêche pas de retrouver ces derniers à la base de toutes les constructions et avec tous leurs besoins intacts, urgents, plus impérieux que jamais. Seule une sorte de Bad Godesberg à la française pourra permettre aux socialistes d’atteindre cet objectif. En tout cas, sans renouveau démocratique et sans garantie d’un suffrage universel juste, rien ne pourra plus être possible. Il revient donc à tous les socialistes, à tous les démocrates de gauche, d’œuvrer en ce sens.

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[1] Congrès au cours duquel le parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) a définitivement tourné la page du marxisme.

[2] Allusion au rapport sur la rénovation et la déontologie de la vie publique qu’avait remis l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, le 9 novembre 2012, au président Hollande.

[3] A moins que l’un des candidats n’atteigne plus de 50 % dès le premier tour.

[4] 10 % des inscrits, par exemple.

[5] Dont le mandat devra être d’une durée de neuf ans non renouvelable.

[6] Au moins 6 % de la population active contre 36 % en 1945.

[7] C’est-à-dire 577 députés.

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