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Brésil: Après la Coupe du Monde, objectif JO-2016

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Le stade du Maracanã à Rio – Photo DR Shutterstock

JOL Press : Quel bilan peut-on dresser de la gestion du Mondial de foot au Brésil ?
 

Silvia Capanema : L’organisation du Mondial a été réussie. Les Brésiliens étaient contents, les stades étaient très beaux, tout s’est bien passé au niveau de l’organisation. Même la distance entre les villes n’a pas posé de problème pour les équipes. Cela n’efface pourtant pas les problèmes du pays.

Si les infrastructures ont été suffisantes pour la Coupe du monde, elles ne profiteront pas à la population brésilienne, mis à part quelques aéroports. Il n’y a pas de logique de projet à très long terme. Les Brésiliens se plaignent du manque d’investissements dans le secteur de la santé et dans l’éducation publique, certes réel, mais ce ne sont pas des secteurs visés par un événement comme une coupe du monde.

On aurait pu cependant développer les réseaux de transports publics dans les grandes villes, notamment le métro, voire le tram ou le train, faire un projet de réaménagement urbain pour les banlieues populaires. Un peu comme ce qui a été fait dans le Nord de Paris avec la construction du Stade de France: le moteur du développement de l’agglomération de Plaine Commune pour la coupe de 98. Ce qui m’a étonné au Brésil depuis le début, c’est l’absence de projets urbains intéressants autour des stades et de l’accès aux stades, comme des parcs, des quartiers, des transports…

JOL Press: Quel héritage la Coupe laisse-t-elle aux Brésiliens ?
 

Silvia Capanema : Pour l’opinion publique, l’héritage de la coupe est plutôt positif, surtout si l’on se penche sur le potentiel de mobilisation et de conscientisation du peuple brésilien. Mais elle laisse aussi un goût amer et révèle des problèmes sérieux, comme l’élitisme reflété dans les stades ou encore le goût des Brésiliens pour l’improvisation: l’échec honteux de la seleção en est symptomatique.

JOL Press : Dans deux ans, les Jeux olympiques se dérouleront à Rio : le Brésil sera-t-il prêt à accueillir cette compétition multisports mondiale ?
 

Silvia Capanema :  Oui, dans le même esprit du mondial de foot. Mais il est regrettable que le projet se porte sur le quartier déjà très favorisé de la « Barra da Tijuca  à Rio, très éloigné du centre-ville. Les quartiers populaires et le centre ville n’ont pas été privilégiés pour l’accueil de cette compétition sportive internationale.

JOL Press: Comment est perçu l’accueil des JO par la population brésilienne ? Rio 2016 pourrait-il réveiller la contestation sociale comme ce qu’il s’est passé avant le mondial de foot ?
 

Silvia Capanema : Certainement. La population reste critique et exigeante. Même si les caméras du monde entier étaient concentrées sur la Coupe du monde, des manifestations ont eu lieu dans les grandes villes et la police a agi de façon violente et répressive. Plusieurs manifestants liés aux mouvements sociaux, dont plusieurs enseignants, ont été arrêtés ces derniers jours. Ils sont accusés de participer à des actes de vandalisme et ont été arrêtés dans leurs maisons avant la finale de la coupe du monde. Cette procédure rappelle les années de la dictature.

JOL Press: La présidente brésilienne Dilma Rousseff brigue un deuxième mandat lors des élections d’octobre prochain. A-t-elle été fragilisée par la grogne sociale au Brésil en marge du mondial ?

Silvia Capanema :  Son opposition, notamment les conservateurs et la droite libérale, essaie d’utiliser contre le gouvernement actuel ce mécontentement de la population brésilienne. La présidente a été huée lors de l’ouverture de la coupe du monde. Cependant, ce mécontentement et même la réaction dans le stade n’ont pas eu d’effets pour l’instant sur sa candidature. Dilma Roussef reste favorite et l’écart entre elle et les autres candidats reste important. L’opposition n’arrive pas à présenter une alternative convaincante face aux acquis sociaux et économiques des dernières années, malgré toutes les critiques.

JOL Press : La présidente brésilienne a-t-elle écouté les revendications des manifestants ?
 

Silvia Capanema : Oui et non. Quelques mesures ont été entreprises, comme le programme « Mais Médicos », – « Plus de médecins » en français –   qui a prévu d’engager des médecins étrangers, notamment cubains, pour les zones géographiques où il manque des professionnels. Mais d’autres mesures se font toujours attendre… à commencer par une réforme politique qui permettrait une meilleure performance des institutions représentatives et de combattre la corruption.

JOL Press: Quels sont les défis qui l’attendent ?
 

Silvia Capanema : Selon moi, elle devra mettre en oeuvre une réforme politique, une réforme fiscale pour financer les investissements en santé en en éducation, démilitariser la police, améliorer la qualité de vie dans les grandes villes. Mais il faudra aussi contrôler l’augmentation des prix et promouvoir une meilleure égalité sociale. Les Brésiliens réclament davantage de services publics, mais je ne sais pas s’ils sont prêts à faire les efforts pour les avoir, notamment les couches les plus aisées qui se sont encore enrichies pendant les gouvernements du Parti des Travailleurs, sous Luiz Inacio Lula da Silva, puis Dilma Roussef.

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Silvia Capanema est historienne du Brésil contemporain, Maître de conférence en civilisation brésilienne à l’Université de Paris 13

 

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