[image:1,l]
Photo DR Shutterstock
JOL Press : En quoi le CV anonyme permet-il de lutter contre les discriminations à l’embauche ?
Samuel Thomas : Une grande partie des sélections se font à la simple lecture du CV avant même qu’un entretien ait lieu. Résoudre une partie des discriminations lors de la sélection de CV permettraient aux gens d’accèder à un entretien. Lors de l’entretien, la personne qui discrimine peut avoir une capacité à se remettre en question face à ses préjugés.
JOL Press : Concrètement, qu’est-ce qu’un CV anonyme ?
Samuel Thomas : Le CV anonyme s’apparente à une copie d’examen d’université où le haut de la copie – sur lequel figurent nom prénom, adresse, situation maritale, nationalité, âge – est cacheté. Cette technique permet d’examiner le CV, la copie, sans prendre en compte la partie identité de la personne, lorsqu’on choisit ceux qui vont être convoqués en entretien.
C’est un processus qui fonctionne en interne : le secrétariat présente une pile de CV au manager ou au recruteur avec le haut découpé. Le manager prendra rendez-vous avec les numéros un, trois, dix-sept, et ne découvrira qu’après le nom des personnes choisies.
JOL Press : Votée en 2006, la loi sur le CV anonyme n’a jamais été mise en place. Pourquoi son application prend-elle autant de temps ?
Samuel Thomas : En 2006, le gouvernement de Dominique de Villepin n’y était pas favorable. Depuis que la gauche est au pouvoir, elle estime qu’elle a d’autres préoccupations que de lutter contre les inégalités. Il a fallu que l’on passe par la contrainte du Conseil d’Etat pour lui rappeler ses promesses : cela fait partie des engagements de François Hollande et de la majorité parlementaire. Depuis qu’ils sont au pouvoir, ils estiment qu’il y a plus important à faire…
JOL Press : Le CV anonyme a-t-il déjà été expérimenté dans d’autres pays européens ?
Samuel Thomas : Oui. Le CV anonyme a été expérimenté dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne ou la Belgique. En Angleterre, personne ne met de photos sur son CV: les CV sont le plus anonyme possible. Il existe aussi des règles de recrutement dans d’autres pays qui sont bien plus coercitives qu’en France.
La France est à la traîne en matière de qualité de recrutement. Tout recruteur qui prend la fonction de directeur des ressources humaines d’une entreprise de plus de 50 salariés doit avoir une certification par la profession, prouvant qu’il est habilité à exercer ce métier.
Dans l’Hexagone, la compétence des recruteurs est plus faible que dans d’autres pays : il y a encore quelques années, des recruteurs utilisaient l’analyse graphologique, ou faisaient des analyses sur les signes astrologiques des gens…
JOL Press : Quelles sont les autres méthodes de recrutement non discriminantes ?
Samuel Thomas : L’enjeu est avant tout de faire en sorte qu’une entreprise garantisse un traitement égalitaire. Pour cela, il faut imposer un processus de recrutement non-discriminant. Une entreprise très engagée pour avoir des processus de recrutement bien plus égalitaires, adoptera une méthode de recrutement qui donne une chance à un candidat en lui faisant passer une sorte d’épreuve pour pouvoir être sélectionné : des simulations, des évaluations.
Concernant la candidature vidéo, il faudrait que l’employeur prenne le temps de regarder un CV vidéo de 3 minutes, et ce s’il n’a pas écarté le document dès lors qu’il aura vu le visage de la personne : le risque est d’être écarté rapidement à cause de l’apparence physique.
———————————–
Samuel Thomas est Délégué Général chez Fédération Nationale des Maisons des Potes.