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Dans les douves de la tour de David à Jérusalem

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« La direction du Dan Panorama Hotel tient à vous rappeler que sa cage d’escalier est blindée et a, à ce titre, toutes les qualités du parfait abri anti-missile. A tout moment, si les sirènes retentissent, vous devez quitter votre chambre et suivre les signaux ‘EXIT’ pour vous mettre à l’abri dans cette cage d’escalier… » Les sirènes d’alerte avaient retenti dans Jérusalem, au moins une fois dans la soirée, mardi 8 juillet.

Depuis que la branche militaire du Hamas, plus affaiblie que jamais sans le soutien de l’Egypte et des Frères musulmans, avait décidé, comme pour jouer ‘le tout pour le tout’, de passer à l’offensive et de lancer ses missiles sur le sud et le nord, sur Tel Aviv et même Jérusalem, près de la moitié de la population israélienne était aux abris. Quitte à rester habiller au cas où… quitte à se contenter d’un sommeil haché… autant aller se promener…

Les rues sont vides, il est tard. La ville est belle, sublime, rayonnante dans la pénombre avec ses murs de grès rose. Sur la gauche, le célèbre hôtel du Roi David évoque le souvenir de la Palestine d’avant-guerre. Un peu plus loin, de l’autre côté de la porte de Jaffa, derrière les drapeaux israéliens frappés de la croix de David, l’étendard du Vatican flotte sur la cathédrale du Saint-Sépulchre. Je m’enfonce dans la vieille ville. 

A gauche, autour du patriarchat orthodoxe grec, c’est le drapeau grec qui figure sur toutes les devantures des magasins fermés à cette heure. Un pope frappe à un grand portail, une petite porte s’ouvre. A droite, la rue devient comme un marché couvert. On imagine l’agitation le jour, on se souvient des images du président Jacques Chirac qui, excédé par la sécurité israélienne, voulait ‘go back to his country’…

Là, pas un bruit. Les inscriptions passent du grec à l’hébreu, puis de l’hébreu à l’arabe. Avec juste un peu d’imagination, on s’imagine des choses. Un chat miaule, c’est l’alerte. Des pas, une conversation en arabe… Trois jeunes se rapprochent. La fatigue du vol rallongé par un atterrissage repoussé pour des raisons, on l’imagine, de sécurité. Un missile a touché Tel Aviv trois minutes avant l’arrivée à l’aéroport Ben Gourion. Le stress, non avoué, mieux vaut rentrer… 

Les missiles pleuvent sur Israël, et ces jeunes gens regardent la demi-finale de la Coupe du monde…

Soudain, des cris. On imagine une manifestation, le soutien de la population palestinienne de Jérusalem-Est à l’opération du Hamas. Des cris et des applaudissements qui viennent de la Tour de David. Une patrouille de quatre jeunes militaires armés jusqu’aux dents, impassibles, longent les douves de la citadelle millénaire et on s’approche des douves… Une belle pelouse, un olivier et une cinquantaine de personnes allongées sur des transats. Un grand écran… Ils regardent Brésil-Allemagne, c’est la 69ème minute et la « Germania » vient de planter un sixième but dans les cages d’un Brésil crucifié.

Les missiles pleuvent sur Israël, les sirènes d’alerte pourraient – devraient – retentir à tout instant et ces jeunes gens, garçons et filles, regardent la demi-finale de la Coupe du monde… Forcément, ils étaient jeunes. Car, après tout, s’ils avaient plus de 18 ans, ils seraient en plein service ou, celui-ci, terminé, ils attendraient fébriles leur mobilisation. Pendant le dîner dans le marché, notre guide ne nous avait-il pas dit que son premier fils, malgré des examens universitaires dans quelques jours, venait d’être rappelé et n’avait-il pas ajouté qu’il n’était pas sûr encore mais que son deuxième fils allait sous peu le suivre…

« Le Hamas, leurs missiles… Ils ne visent pas aussi bien que les buteurs allemands »

Ethan se tient à la porte des douves, talkie-walkie à la ceinture, oreillette à l’oreille. Israël a manqué de peu son billet pour le Brésil mais, depuis les huitièmes de finale, tous les matchs sont retransmis là, dans les douves de la Tour de David. Malgré l’heure tardive du coup d’envoi des matchs – 23 heures pour le choc du soir -, l’affluence est au rendez-vous. A la mi-temps, il tient aussi le bar et, au nombre de verres en plastique qui jonchent le sol, on imagine l’ambiance joyeuse. Il fait chaud.

On lui demande s’il y a moins de monde du fait de… de ce qui se passe. Il est surpris, on précise, l’offensive, les missiles… Il sourit : « Non, pourquoi donc ? C’est nouveau les alertes sur Jérusalem, c’est une des premières fois à cause du mélange de population dans cette ville. Le Hamas, leurs missiles… Ils ne visent pas aussi bien que les buteurs allemands, ils tirent mais ils ratent souvent le but… Et puis, il n’y a sans doute pas de lieu plus sûr que la vieille ville de Jérusalem. Dans tous les cas, que voulez-vous qu’on fasse, nous devons bien continuer à vivre. » D’après Tsahal, l’armée israélienne, il s’écoule trois minutes entre la détection du départ d’un missile de Gaza et son éventuelle arrivée au sol sur la ville trois fois sainte. Trois minutes, le temps d’employer ses défenses et de protéger ses arrières.

Un peu plus de trois minutes à jouer à Belo Horizonte. Les Allemands, eux, continuent de marquer – et 7-0. Contrairement à Israël dans son match face au Hamas, les Brésiliens ne songent même plus à préparer la contre-attaque. Un petit but de la Seleçao, qui ne sauve même plus l’honneur, et l’armistice est signé. Dans les douves de la Tour de David, nos Jérusalémites applaudissent la Mannschaft.

Par Franck Guillory, depuis Jérusalem.

 

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