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Decryptage du Tour de France avec Clément Pinget, développeur de Pro Cycling Manager

Le peloton s’élancera aujourd’hui à Leeds pour entamer la 101e édition du Tour de France. Qui succédera à Chris Froome? Qu’attendre des coureurs français présents sur l’épreuve? Quelles que soient les réponses, la Grande Boucle va continuer de passionner et d’attirer foules et téléspectateurs: après la Coupe du Monde, le Tour de France sera l’événement le plus retransmis à travers le monde. Entretien avec Clément Pinget, développeur au studio Cyanide qui travaille sur le désormais culte Pro Cycling Manager, référence de la simulation cycliste. 

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La série Pro Cycling Manager continue de dérouler avec une édition 2014 toujours plus complète et addictive. (shutterstock.com)

JOL Press : Le Tour de France va débuter dans deux jours. Quelles sont les principales raisons de suivre la Grande Boucle cette année?

Clément Pinget : On va directement « zapper » les châteaux de Jean-Paul Olivier, c’est le cas tous les ans ! Ceci dit les paysages dans les campagnes anglaises devraient valoir le coup d’œil.

Plus sérieusement : tout d’abord le tracé proposé est globalement très intéressant, avec une étape difficile dès le premier week-end (la 2e qui arrive à Sheffield), les pavés (qui peuvent chambouler le classement général) lors de la 5e étape, et la traversées des Vosges le premier week-end avec des cols pas très longs mais particulièrement pentus. Ensuite en 2e et 3e semaine, le programme sera  plus classique avec Alpes et surtout Pyrénées ; enfin un chrono difficile car vallonné devra départager les derniers protagonistes.

On sent que l’organisation ne veut plus que le suspens pour le classement général soit regroupé sur 3 ou 4 étapes clés, la tendance est de proposer un parcours qui puisse offrir des rebondissements intéressants.

L’autre raison est à mon avis le gros duel annoncé Froome/Contador, potentiellement arbitré par Valverde et Nibali. Sur les 4 plus grands noms, 3 ont un tempérament très offensif et Froome n’est pas non plus le dernier quand il s’agit de rattraper du temps sur ses adversaires.

JOL Press: Alberto Contador semble avoir retrouvé son appétit d’antan et se présente comme le plus sérieux concurrent de Chris Froome pour la victoire finale. Quelles sont ses chances?

Clément Pinget : Sur ce qu’il a montré depuis le début de saison il a clairement la possibilité de gagner ce Tour mais il n’a pas plus de chances que Froome, c’est du 50-50.

Il est un peu moins bon en chrono que le vainqueur sortant… Niveau mental, les deux sont des guerriers hors du commun, largement au-dessus de tous les autres, pas du genre à baisser les bras même quand la situation parait bien mal engagée. Ils sont tous les deux bien entourés par une grosse équipe qui ne va pas s’éparpiller sur d’autres objectifs. Ils se valent en montagne, même si Froome semble un peu plus puissant sur des efforts de 15 à 20 minutes quand il s’agit de rouler fort après une attaque pour maintenir un écart.

Contador a par contre un meilleur bagage technique, il est plus à l’aise dans les descentes et est plus fin tacticien. On sent que Froome a du mal à prendre les décisions lui-même dans les moments clés tandis que Contador est un coureur qui peut surprendre tout le monde en agissant sur une opportunité quelconque.

JOL Press : Peut-on espérer voir un français dans le top 10, voire top 5?

Clément Pinget : Oui pour le top 10 mais pour le top 5 il faudrait des circonstances vraiment favorables, cela parait compliqué cette année.

Thibaut Pinot voire Romain Bardet sont les 2 premiers noms qui viennent à l’esprit car ce sont deux grands talents avec un vrai plan de carrière depuis leur arrivée chez les pros qui peuvent encore progresser…Ils risquent cependant de ne pas être encore suffisamment aguerris par rapport aux favoris et peuvent donc passer au travers sur une journée. Pinot, le leader de la FDJ, a réalisé des progrès dans divers domaines, notamment en contre-la-montre (il n’a livré que de très bonnes prestations depuis le début de l’année dans le domaine) mais aussi mentalement (on le voit plus courir à l’avant « en leader » et il semble avoir progressé dans les descentes rapides).

Bardet parait encore plus talentueux avec un mental redoutable, typiquement celui d’un futur champion. Il est par contre encore très jeune -seulement sa 3e année pro- donc un peu « tendre » physiquement (notamment sur les chronos) mais ce serait finalement tout sauf étonnant de le retrouver très bien classé à Paris au vu de l’étendue de son talent.

Il ne faut pas enterrer Jean-Claude Péraud non plus : il a réalisé un solide début de saison puis une période compliquée en Mai/Juin, mais c’est justement le meilleur timing pour revenir en forme avant le Tour. Il a l’expérience pour lui et le début du tour avec les étapes Vosgiennes et les pavés peuvent le mettre dans de bonnes conditions. Contrairement aux jeunes on connait ses limites et si un top 10 parait jouable, le top 5 semble trop ambitieux.

Pierre Rolland a montré qu’il avait le moteur pour un top 10, mais il a déjà donné énormément lors du dernier Giro en réalisant en plus de grosses chevauchées dans un climat qui a mis à rude épreuve les organismes…peu de chances qu’il puisse se classer cette année au général et ce n’est pas son ambition affichée au départ de toute façon.

JOL Press : Vous développez depuis neuf ans la franchise Pro Cycling Manager, référence de la simulation cycliste. L’apparition de la discipline dans un média tel que le jeu vidéo a-t-elle rajeuni l’image du vélo?

Clément Pinget : 9 ans pour la franchise « PCM » mais en réalité depuis 14 ans la série des Cycling Manager !

Non il faut garder les pieds sur terre, ce n’est à mon avis pas le jeu qui a pu rajeunir l’image. Le sport a énormément évolué ces derniers temps : il y a une recherche perpétuelle sur le matériel avec des marques qui s’associent maintenant régulièrement avec l’automobile ; le cyclisme s’est internationalisé avec beaucoup de champions dans différents pays qui ont entrainé une popularité grandissante chez les jeunes. Je pense que l’image « vieillotte » du cyclisme n’existait pas vraiment en dehors des pays historiques du vélo. En France par exemple elle venait du fait qu’il n’y a plus de coureurs capables de gagner le Tour, donc dans l’esprit des gens on associait le vélo avec Fignon, Hinault, Anquetil…

JOL Press : Sur console ou dans la réalité, quelle est l’équipe la mieux armée pour dominer un Tour? Quel en serait le vainqueur?

Clément Pinget : L’équipe Sky de Froome semble la mieux armée. Mais dans notre simulation comme dans la réalité, l’écart semble si faible entre les deux leaders qu’il est pour le moment impossible de s’exprimer. On risque d’assister à l’un des Tours les plus animés de ces dix dernières années !

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