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Gaza: «Des vagues de blessés arrivent en permanence»

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JOL Press : Comme lors de l’opération « Plomb durci » en 2008-2009 et de « Pilier de défense » en 2012, l’association humanitaire Médecins sans frontières (MSF) soutient actuellement le personnel médical palestinien à Gaza. Quelle est la situation sur place dans les deux hôpitaux où sont mobilisées les équipes ?
 

Mathieu Fortoul : L’ONG MSF travaille aujourd’hui dans deux structures à Gaza. Dans une clinique MSF de soins opératoires qui était ouverte avant le conflit mais qui aujourd’hui fonctionne au ralenti car très peu de patients osent venir à cause des bombardements. Nous ne pouvons nous même sortir pour aller vers eux à cause du risque, beaucoup trop élevé. L’essentiel de nos mouvements se font donc à l’hopital Al-Shifa où nous avons la plus grosse part de notre activité.

L’hôpital Al Shifa dépend du ministère de la Santé : le personnel de santé de MSF y vient en aide au personnel médical palestinien qui effectue là un travail incroyable car la situation est extremement compliquée… Des vagues de blessés arrivent en permanence. Ils sont pris en charge et répartis sur les six blocs opératoires de l’hôpital. La majorité des patients que l’on reçoit sont des civils: des femmes et des enfants, blessés lors des bombardements.

A Gaza, la moitié des centres de santé ont fermé
 

JOL Press : Quel est l’état du système de santé à Gaza ?
 

Mathieu Fortoul : A Gaza, la moitié des centres de santé de la bande de Gaza ont dû fermer leurs portes. De nombreux hôpitaux ont été victimes de bombardements : même les structures médicales, qui en théorie, devraient être épargnées par le conflit ne le sont pas. Les bombardements sont quotidiens et la population ne peut trouver de refuge nulle part. Des quartiers entiers sont détruits et plus de 200.000 personnes sont aujourd’hui déplacées avec un accès extrêmement réduit à l’eau, à la nourriture et aux soins de santé.

JOL Press : Le 28 juillet, un bombardement a touché l’enceinte de l’hôpital Al Shifa. Y a-t-il un endroit sûr dans la bande de Gaza ou les gens peuvent se réfugier ?
 

Mathieu Fortoul : Des milliers de personne essayent de se mettent à l’abri dans des hôpitaux ou des écoles de l’ONU. Mais le risque est présent partout. Aujourd’hui les hôpitaux et les écoles sont bombardés, ce que MSF condamne fermement: cette situation doit cesser.  

« Une situation extrêmement tendue »
 

JOL Press : Quelles sont les conditions de travail des équipes MSF ? Quelles sont les principales difficultés qu’elles rencontrent ?
 

Mathieu Fortoul : Les conditions de travail sont complexes, et la situation extrêmement tendue. Lors d’une arrivée de blessés, la difficulté est d’arriver à prendre tous les patients en charge. Je discutais par exemple avec une infirmière de l’hôpital Al Shifa qui travaille dans la salle de déchocage, où sont placés les blessés les plus graves: là-bas, il n’y a que trois lits alors que les vagues de blessés arrivent par quatre, cinq et se succèdent. C’est toute la difficulté du personnel : prendre en charge rapidement les patients et arriver à faire un diagnostic dans ces conditions…

Nous sommes dans un contexte de guerre, les difficultés pour l’équipe sont aussi physiques et psychologiques. C’est extrêmement intense : le personnel travaille jour et nuit. Il trèsdifficile pour les équipes de rentrer sur la bande de Gaza et d’en sortir

JOL Press : Combien y-a-t-il de blessés par jour ? Quels sont les types de blessures auxquels les médecins de MSF sont confrontés ?
 

Mathieu Fortoul : Il est très difficile pour nous de chiffrer le nombre de blessés. Je peux cependant vous dire que, mardi 29 juillet, il y a eu quatorze morts aux urgences de l’hôpital Al Shifa. La nuit d’avant les équipes MSF ont pratiqué 27 interventions chirurgicales avec dont 15 pour des enfants de moins de 12 ans. Les blessures sont principalement causées par des bombardements, des éclats d’obus. Nous recevons aussi des patients victimes d’amputations et de traumatismes multiples liés à l’impact de l’explosion.

« Trêve humanitaire »: quel impact sur le travail des ONG ?
 

JOL Press : Une « trêve humanitaire » unilatérale de quatre heures a été décrétée par l’armée israélienne mercredi 30 juillet. Quel est l’impact des trêves sur la population et sur le travail des humanitaires ?
 

Mathieu Fortoul : Cela permet à la population de souffler, tout en donnant la possibilité à MSF de se déplacer et de se rendre dans un autre hôpital de Gaza si nous avons besoin de faire une donation. Les trêves militaires sont évidemment importantes, mais il ne faut pas pour autant considérer la guerre comme un match de football avec des mi-temps : les trêves ne doivent pas être un argument pour bombarder davantage après.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Actuellement bloqué à Jérusalem, Mathieu Fortoul, membre de MSF, attend de pouvoir pénétrer sur la bande de Gaza.

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