Le géant américain Amazon préfigure des inquiétudes dans le milieu du livre. Prêt à lancer un service d’accès illimité à un catalogue d’ebooks, la multinationale a ouvert vendredi aux États-Unis son service Kindle Unlimited, qui permet de lire autant de livres électroniques que l’on souhaite pour seulement 9,99 dollars par mois. Un service prochainement disponible en France.
Après Netflix pour le cinéma et Spotify pour la musique, le streaming pour les livres apparaît en ligne. Le service Kindle Unlimited d’Amazon est officiellement présenté comme une bibliothèque privée, qui propose à ses adhérents d’emprunter jusqu’à 10 livres numériques en simultané ; il permet aussi de contourner la loi française, grâce à un tour de passe-passe.
Kindle Unlimited, 10 fichiers à rendre après utilisation
Amazon, le mastodonte du commerce en ligne s’apprête à dévoiler une nouvelle offre. Il s’agit d’un abonnement mensuel permettant de lire tous les livres numériques que l’on souhaite.
Moyennant 9,99 dollars par mois (environ 7,40 euros), les abonnés au service pourront télécharger des livres électroniques à loisir et auront également accès à des milliers de livres audio. Ces fichiers pourront être utilisés sur les liseuses Kindle commercialisées par Amazon, ainsi que sur tout appareil équipé de l’application Kindle.
Il s’agit cependant d’une location. L’utilisateur pourra consulter les ouvrages à partir du moment où il est abonné. Si ce n’est plus le cas, il ne pourra plus accéder à sa bibliothèque personnelle en ligne. Avec ce Netflix du livre, Amazon compte bien prendre une longueur d’avance sur Apple grâce aux ventes de ses liseuses et de sa tablette Kindle.
L’offre s’appuierait sur un catalogue de 600 000 ouvrages, issu de grands éditeurs américains. Les maisons d’édition seront rémunérées via une commission uniquement si un livre est lu dans une certaine proportion qui dépend d’accords spécifiques, selon The Digital Reader. La commission serait la même que celle versée pour un achat classique. Un modèle économique qui n’a apparemment pas convaincu tous les acteurs du livre, puisque Hachette, Simon & Schuster, HarperCollins ou Publishers, ne sont pas dans le catalogue.
Un pied de nez à la réglementation française
C’est grâce à cette bibliothèque privée que Amazon espère détourner en France la loi sur le prix unique de vente des livres électroniques, et son décret d’application qui ne laisse pourtant aucun doute sur le fait que la fourniture de fichiers de livres électroniques sous DRM – Gestion des droits numériques – est bien visé par le législateur.
En effet, la loi Lang de 1981, contraint le vendeur d’un livre à respecter le prix fixé par l’éditeur pour éviter une trop grande concurrence dans le secteur. Le but principal était de permettre aux libraires de se défendre face aux grandes surfaces, prêtes à faire des rabais sur les best-sellers. Aujourd’hui, cette loi empêche Amazon de faire du dumping sur les prix. En janvier, le Sénat avait même validé une nouvelle loi pour interdire le cumul d’une remise de 5% et du frais de port gratuit – conduisant par la suite Amazon à inventer les frais de port à 1 centime, il y a quelques jours à peine.
Or, ici, il ne s’agit pas d’un achat traditionnel. Aucun terme comme « vente » ou « location » ne figure dans le contrat. On trouve à la place les mots « adhésion » au « programme » Kindle Unlimited. Les contenus sont en streaming, ce n’est plus une vente mais plutôt une licence d’accès à des fichiers. Les livres numériques sont soumis aussi au prix unique, mais leur « prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage » ; modalités, comme « par téléchargement ou diffusion de flux » – le streaming. Un pied de nez au ministère de la Culture qui permet à Amazon d’empiéter de plus belle les plates-bandes des libraires français.
A l’époque des livres papiers, il s’agissait de protéger les petits commerçants contre la FNAC. Aujourd’hui, il s’agit de protéger la FNAC contre Amazon et d’éviter que tous les internautes ne souscrivent à une offre illimité Amazon et ne ressentent plus le besoin, l’envie ou l’intérêt d’aller voir ailleurs pour lire leurs livres.