Entretien avec Jean-François Doulet, maître de conférences à l’Institut d’urbanisme de Paris (université Paris-Est Créteil) et directeur-adjoint du Centre franco-chinois ville et territoire.
En 2013, Pékin a accueilli 4,5 millions de visiteurs étrangers, a indiqué lundi 30 juin l’agence Chine nouvelle, se référant à des statistiques officielles. Soit une baisse de 10% par rapport à 2012. Cette diminution s’explique par «le ralentissement de l’économie mondiale», mais aussi par «le brouillard polluant» qui enveloppe de façon routinière la capitale, selon une étude de l’Association touristique de Pékin, l’organisme officiel supervisant le secteur.
A cause des pics d’«airpocalypse», la capitale chinoise a accueilli 10% de visiteurs étrangers en moins en 2013 (Photo: Shutterstock.com)
JOL Press : Lorsqu’on parle de la pollution en Chine, on parle presque toujours de Pékin. Pourquoi ?
Jean-François Doulet : Les derniers pics d’«airpocalypse» à Pékin ont été très médiatisés. Toutefois, ce problème de pollution atmosphérique n’est pas nouveau. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme depuis une quinzaine d’années.
Ce fléau n’est pas circonscrit à Pékin, mais la capitale chinoise souffre tout particulièrement de sa localisation géographique. La ville est en effet balayée par des vents d’ouest transportant beaucoup de poussière. Shanghai ou Canton sont situées à proximité de la mer, ce qui permet le renouvellement de l’air. Ce n’est pas le cas de Pékin qui se trouve dans une plaine semi-aride.
JOL Press : Cette pollution endémique est aussi liée à des facteurs humains…
Jean-François Doulet : Le processus d’industrialisation, entamé il y a une trentaine d’années, n’est évidemment pas étranger à cela. Depuis les années 1990, les usines ont progressivement été déplacées des centres-villes vers les périphéries. Mais ce type de mesure est insuffisant.
Le charbon reste un facteur de pollution important (les Chinois produisent 70% de leur électricité avec du charbon), tout comme la hausse constante du nombre de véhicules (la Chine est devenue en 2013 le premier pays importateur de pétrole). Pékin est la ville la plus motorisée du pays, ce qui aggrave considérablement les facteurs géographiques dont je parlais plus tôt.
JOL Press : Concrètement, qu’est-ce qui a été fait pour endiguer la pollution ?
Jean-François Doulet : Le gouvernement a mis en place une série de mesures pour améliorer la qualité de l’air. En 2008, au moment des Jeux olympiques, les autorités ont instauré la circulation alternée. Plus récemment, le gouvernement a limité les ventes de voitures à Pékin et à Shanghai (les immatriculations sont désormais accessibles par tirage au sort).
Il s’agit surtout de pansements sur une jambe de bois. La raison principale à cette gigantesque pollution est le modèle de développement chinois. C’est le talon d’Achille du pays : la Chine poursuit sa course en avant qui a pour conséquence la destruction progressive de son environnement. Réseau hydrographique, montagnes, littoral… Aucun écosystème et aucune partie du territoire n’est épargné par cette industrialisation à marche forcée.