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L’ARCEP répond aux attaques de Martin Bouygues et le renvoie dans les cordes

Alors que les relations entre Martin Bouygues, patron de Bouygues Télécom, et l’ARCEP, l’autorité de régulation des télécommunications, ne sont pas franchement cordiales, le PDG du plus petit des opérateurs français ne décolère pas , surtout depuis l’arrivée de Free sur le marché.
 

Le rôle de l’ARCEP serait « choquant »

 
Martin Bouygues et l’ARCEP n’ont jamais été de grands amis, et les choses ne devraient pas s’améliorer. Alors qu’il était interrogé par la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale au sujet des différentes activités de son groupe, le PDG de Bouygues en a profité pour adresser quelques mots doux à l’encontre du gendarme des télécoms français. Selon lui, l’ARCEP serait responsable des difficultés rencontrées dans le secteur des télécoms, notamment depuis l’entrée de Free sur le marché du mobile.
 
« Je ne conteste pas l’attribution d’une quatrième licence (…) En revanche, les conditions accordées au nouvel opérateur pour entrer sur le marché et se développer ont été catastrophiques », a pompeusement assuré l’homme d’affaires. « Le bilan aujourd’hui est lourd. Aucun bilan chiffré précis et exhaustif n’existe. J’estime pour ma part que sur la totalité de la filière télécoms, ce sont probablement environ 50.000 emplois qui ont été détruits », a-t-il poursuivi.
 
Selon Martin Bouygues, l’ARCEP serait même responsable de tous les maux. « Nous avons tenté dans un premier temps de parler avec l’ARCEP pour montrer que la régulation devait aussi se préoccuper d’équilibrer le marché pour éviter qu’il ne s’auto-détruise ». Pourtant, « nous avons eu en face de nous un régulateur surtout préoccupé de démontrer qu’il avait toujours raison dans ses choix, et que c’était cela le plus important ». Le PDG de Bouygues, seul à se débattre contre une autorité évidemment manipulée finit par déclarer que « tout ça est profondément choquant, je pense que le système de régulation tel qu’il fonctionne aujourd’hui n’est plus acceptable en l’état ».
 
Au terme de son plaidoyer, monsieur Bouygues s’est même fendu d’un « qui décide de quoi et en fonction de quels critères économiques ? Est-ce le gouvernement (…) ou est-ce des organismes de régulation indépendants jamais responsables, jamais coupables ? En un mot, qui régule le régulateur ? ». Et ces accusations ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd, puisque l’ARCEP n’a pas attendu pour lui faire la leçon.
 

Une riposte cinglante

 
Habituée à défendre ses choix, l’ARCEP n’a pas hésité à remettre Martin Bouygues à sa place. « Comme on le sait, les autorités de régulation sont indépendantes des acteurs économiques qu’elles régulent et du gouvernement, notamment lorsque celui-ci est actionnaire d’un des opérateurs du marché. Pour autant, elles ne sont pas des électrons libres et font partie intégrante de l’Etat. Ces autorités constituent ce que les juristes appellent l’exécutif non gouvernemental et sont donc soumises au double contrôle du Parlement et du juge », a lui a gentiment expliqué Jean-Ludovic Silicani, patron de l’ARCEP.
 
« C’est ainsi que l’ARCEP est auditionnée une dizaine de fois chaque année par les parlementaires (individuellement ou en commission). Toutes les décisions prises par l’ARCEP, eu égard à l’importance des enjeux en cause, sont déférées, soit devant le Conseil d’Etat, soit devant la Cour d’appel de Paris puis, le cas échéant, devant la Cour de cassation. Depuis cinq ans, toutes les décisions importantes prises par l’ARCEP ont été validées par la justice », a-t-il poursuivi. Mais alors, les attaques du PDG du plus petit des opérateurs français seraient infondées ?
 
Mieux encore, le patron du régulateur a estimé bénéfique de rappeler à Monsieur Bouygues toutes les décisions qui lui ont été favorables. « Il en a été ainsi de la décision attribuant la quatrième licence de téléphonie mobile 3G, des décisions attribuant les licences 4G, de la décision autorisant Bouygues Telecom à utiliser la bande 1 800 MHz pour la 4G, de la décision fixant le cadre de la régulation de la radiodiffusion ou encore de la décision donnant raison à Bouygues Telecom contre Orange dans un différend les opposant sur la répartition du coût de déploiement de la fibre optique ». La liste est longue, pour celui qui s’estime lésé.
 
Nul doute que les réponses percutantes de l’ARCEP seront entendues. Pour répondre à l’envolée lyrique de monsieur Bouygues, Jean-Ludovic Silicani  conclut son article par ces mots non dénués d’humour évoquant « un opérateur qui tenterait vainement de « capturer un régulateur (…) en menant une intense action de lobbying auprès du Gouvernement et du Parlement ». « L’expérience montre, en tout cas dans le secteur des télécommunications, que les pouvoirs publics ont la lucidité et la sagesse d’être peu sensibles à ces pratiques, qui se révèlent, le plus souvent, contrep-roductives ». 
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