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Le fiasco BNP Paribas: Lettre ouverte aux autorités belges

C’est en qualité de citoyen, de contribuable et donc également de bénéficiaire économique (actionnaire) d’une part dans la participation de l’Etat dans la banque BNP Paribas que je m’adresse aux autorités politiques et administratives responsables de la gestion de ce dossier.

Ces réflexions viennent compléter les considérations déjà développées dans un article publié par la Libre Belgique le 15 juillet (« La BNP Paribas à l’amende »), où j’avais analysé – sur la base des éléments rendus publics – les conséquences désastreuses des agissements de la Banque et notamment le préjudice subi par ses actionnaires. Il convient désormais d’entreprendre une action vigoureuse en défense des intérêts du contribuable belge.

La Belgique est, par la taille de sa participation (10,28%), le plus important actionnaire de la Banque. Etant donné l’ampleur du préjudice direct subi (+/- €640 millions soit 10% du total), du manque à gagner dû aux limitations opérationnelles temporaires imposées par les autorités américaines et enfin des dommages considérables non chiffrables causés à la réputation de la Banque, il semble légitime que la Belgique préconise une action en justice à l’encontre de tous ceux qui partagent la responsabilité de ce fiasco majeur. Cela s’impose d’autant plus qu’au delà des violations des lois américaines, des fautes lourdes  auraient été commises au titre du non respect des règles internes de la banque, de la réglementation financière et de l’information dues aux actionnaires.

Dans un premier temps, les autorités belges pourraient suggérer que la Banque initie elle-même des poursuites contre ceux qui, parmi son personnel et ses mandataires sociaux, sont responsables d’actes délictueux. Ces poursuites, où la Banque se constituerait « partie civile », peuvent s’inspirer de la jurisprudence française récente où la Société Générale a obtenu, en tant que partie lésée, la condamnation de Mr. Jérôme Kerviel, lui ordonnant initialement de compenser les €4,5 milliards de pertes occasionnées à l’institution. Cette condamnation a cependant été cassée en appel et donnera lieu à un nouveau procès. Dans le cas présent, le comportement fautif  des intervenants – qui a généré un préjudice bien supérieur à €6,3 milliards – devrait être d’autant plus facile à  établir que la Banque a elle-même reconnu sa culpabilité devant la justice américaine dans le cadre du règlement transactionnel de la pénalité.

Si la Banque n’entamait pas procédure suggérée, il conviendrait, dans un second temps, d’initier la procédure au nom de l’Etat belge en permettant aux autres actionnaires de la Banque, notamment les institutions qui représentent des milliers d’investisseurs, de s’y associer.

Même si, comme dans l’affaire Kerviel, il est irréaliste de penser que les éventuels coupables soient en mesure de dédommager la Banque (et ses actionnaires) à hauteur du préjudice subi, leur condamnation servirait néanmoins d’avertissement, bien plus efficace que toute mesure législative ou réglementaire que les autorités publiques – nationales ou européennes –  pourraient prendre pour améliorer la gouvernance du secteur financier.  

De surcroît, ce serait la démonstration que la justice est impartiale et s’applique tant aux « hauts cadres » qu’au «simple trader » et qu’elle n’est pas une illustration supplémentaire de  la fameuse formule de Jean de La Fontaine «  selon que vous serez puissant ou misérable… ». Ce dossier constitue, en effet, une manifestation emblématique de la « mauvaise finance » fustigée par le Président Hollande comme son principal « ennemi » dans son discours électoral du Bourget, alors que la « bonne finance » par contraste  bénéficie apparemment du soutien inconditionnel de son Ministre des Finances !

En parallèle, dans l’attente de l’aboutissement des poursuites engagées, il devrait aller de soi qu’à la prochaine Assemblée Générale, les représentants de l’Etat votent contre toute rémunération non contractuelle que le Conseil aurait le mauvais goût d’attribuer aux mandataires sociaux.

La démarche suggérée est totalement indépendante de l’attitude que le prochain Gouvernement de plein exercice prendra éventuellement concernant la cession de la participation de l’Etat dans BNPP. Il s’agit, avant tout, de veiller à ce que les mesures conservatoires appropriées soient prises ; celles-ci devraient être compatibles avec les responsabilités « en affaires courantes » du gouvernement en place.

Ne pas réagir avec tous les moyens à la disposition de l’actionnaire serait léser une deuxième fois le contribuable belge. Ceci ne pourrait que renforcer le sentiment, en Belgique et à l’étranger, que les hauts responsables du secteur financier bénéficient d’une impunité qui contraste de manière indécente avec les efforts de redressement que les pouvoirs publics imposent aux citoyens pour rétablir l’équilibre budgétaire, stimuler l’emploi et améliorer le pouvoir d’achat.

On doit donc espérer que tous les Parlementaires issus des récentes élections belges, et notamment les Présidents de partis, veillent à ce que les intérêts financiers de la Belgique soient défendus dans ce dossier épineux avec rigueur nécessaire et sans complaisance. Que tous ceux qui partagent ce point de vue n’hésitent pas à faire connaître leurs opinions à leurs représentants.   

Bruxelles, le 17 juillet 2014

Paul N. Goldschmidt

Directeur (ECFIN) à la Commission Européenne (e.r.)

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