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Pologne: «L’affaire Chazan» relance le débat sur l’avortement

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« Stop à l’avortement » : Une manifestation pro-life en Pologne en mars 2012 – Photo DR Shutterstock

L’affaire rebaptisée « L’affaire Chazan » tire son nom du médecin au coeur du scandale en Pologne: Bogdan Chazan, directeur d’un hôpital de Varsovie, qui a été destitué de ses fonctions au début du mois de juillet après avoir refusé un avortement justifié par une malformation du foetus.

La Pologne, pays très catholique où la législation sur l’avortement est l’une des plus strictes d’Europe, autorise pourtant l’avortement en cas de malformation du fœtus, mais aussi en cas de viol, d’inceste, ou de mise en danger de la femme.

« Une victoire de l’Etat de droit sur « la loi de Dieu » »

Pour justifier son refus, le Pr Chazan a invoqué la clause de conscience, expliquant qu’un avortement heurtait ses convictions religieuses. La patiente, âgée de 38 ans, avait donc été contrainte de se rendre dans un autre hôpital public, dépassant de quelques jours les douze semaines légales pour avorter. Et c’est bien cela que les autorités reprochent au médecin – qui était légalement tenu d’adresser le patient à un autre médecin prêt à effectuer une IVG – poussant la maire de Varsovie, Hanna Gronkiewicz-Walz, a licencié le Pr Chazan.

« Le mouvement pro-choix en Pologne ne considère pas pour autant cette décision comme une victoire » . explique à JOL Press Krystyna Kacpura, directrice de la Fédération de la Femme et du Planning familial, jointe par email. « Certes, nous avons été soulagés que la maire de Varsovie, Hanna Gronkiewicz-Walz, licencie Bogdan Chazan : c’était son devoir, sa responsabilité politique et morale, en tant que fonctionnaire de l’État, d’agir selon la loi et de veiller à ce que les règles soient respectées. Donc nous pouvons dire que c’est une victoire de l’Etat de droit sur « la loi de Dieu » », poursuit la directrice du Planning familial.

Dans une interview diffusée sur une chaîne de télévision polonaise, Bogdan Chazan a quant à lui déclaré que cette décision de la mairie de Varsovie était « le début d’une attaque contre la conscience des médecins et des personnes occupant des postes de gestion au service de la santé », rapporte la BBC.

La Pologne sanctionnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme

Ce n’est pas la première fois que la Pologne est pointée du doigt dans ce genre d’affaires: le pays a plusieurs fois été sanctionné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour des cas liés à la « mauvaise application de sa loi sur l’avortement » rappelle le Planning Familial.

« Il y a beaucoup de cas similaires en Pologne, qui ne sont souvent pas enregistrés officiellement » précise Krystyna Kacpura. « En Pologne, les gynécologues font exprès de faire des tests – non nécessaires  pour perdre du temps,pour dépasser le délai légal de l’avortement ». Les femmes qui pouvaient avoir recours à un avortement légal sont finalement contrainte de la faire illégalement ou de se rendre à l’étranger.

Une loi anti-avortement très restrictive

« La loi anti-avortement est donc plus restrictive dans la pratique que sur le papier. Selon le rapport du gouvernement, quelque 700 avortements légaux ont été effectués en Pologne en 2012. Mais nous estimons que plus de 150 000 Polonaises ont du se faire avorter illégalement » explique Krystyna Kacpura.

Même si « l’affaire Chazan » a été médiatisée et a replacé au cœur du débat la question de l’accès à l’IVG dans la société polonaise, « la présence très forte des fondamentalistes religieux » empêche de faire évoluer les choses selon la directrice de la Fédération de la Femme: « Ils poursuivront leurs tentatives pour limiter l’avortement légal en Pologne. Le mouvement pro-choix fait de son mieux pour les arrêter » déclare-t-elle.

Selon elle, la population, qui était jusqu’à présent « effrayée », a commencé à « penser de manière rationnelle » : « la dernière enquête qui date de juillet 2014, montre que la majorité des Polonais estiment que les médecins n’ont pas le droit de refuser d’effectuer certains services médicaux par convictions personnelles ». Toujours selon cette étude, plus de la moitié des Polonais (52%) pensent que les médecins ne peuvent pas faire appel à la clause de conscience pour refuser de pratiquer un avortement lorsqu’il est légalement autorisé.

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