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Pourquoi la France n’est pas «proche de la mise en liquidation»

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Pierre Gattaz, le président du Medef, dresse un constat noir de la santé économique de la France (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : La France est-elle «proche de la mise en liquidation» ?
 

Bertrand Rothé : L’expression utilisée par Pierre Gattaz – «mise en liquidation» – est un abus de langage. La France n’est pas une entreprise, un Etat ne peut pas être «mis en liquidation». On est dans le délire total. L’Hexagone, dont le poids de la dette est certes assez important, n’est pas en cessation des paiements comme une simple entreprise. 

Cela reviendrait à payer nos créanciers avec les biens de l’Etat. Ce n’est jamais arrivé et je pense sincèrement que ça n’arrivera jamais. Pour un pays, le risque de banqueroute existe, mais la France n’en est pas là : actuellement, nous empruntons à des taux historiquement faibles. Cela prouve que les marchés obligataires font confiance à la France.

JOL Press : Que cherche Pierre Gattaz en utilisant ce terme ?
 

Bertrand Rothé : Cette formule montre le fondement idéologique de son discours. Le gouvernement va offrir 50 milliards d’euros aux patrons d’ici 2017 grâce au pacte de responsabilité. En utilisant des mots choc, le président du Medef veut continuer à mettre la pression sur l’exécutif pour le forcer à aller encore plus loin. 

JOL Press : Pierre Gattaz évoque une «situation économique catastrophique». Qu’en pensez-vous ?
 

Bertrand Rothé : La situation économique du pays n’est pas brillante. Mais, là encore, le terme «catastrophique» est excessif. Dans un contexte difficile, la croissance de la France tourne autour de 0%, ce qui est insuffisant pour créer de l’emploi. C’est sur le front du chômage que la situation est dramatique – la barre des 5 millions de demandeurs d’emploi a été franchie en juin. 

Actuellement, il faudrait une croissance de 2% pour créer de l’emploi. Cet objectif paraît difficilement atteignable, à moins de diminuer le Smic et de casser la protection sociale. En réalité, la problématique est simple : nous sommes dans une économie mondialisée qui ne fait pas le poids face à la concurrence de pays à faible coût de main-d’œuvre. 

JOL Press : Comment faire face à ce problème ?
 

Bertrand Rothé : En Pologne par exemple, les ouvriers sont payés 300 euros par mois ! Il y a là un choix politique, voire philosophique, à faire. De quelle société veut-on ? Est-ce que l’on souhaite que la France soit compétitive ? Autrement dit, est-ce que l’on souhaite que nos enfants soient payés 300 euros par mois ? Personnellement, je dis «non».

A l’inverse, Pierre Gattaz plaide en faveur d’une baisse du coût du travail en France. Plus généralement, c’est ce que veulent les entrepreneurs car ils sont en situation de concurrence.

JOL Press : Quelles seraient les conséquences des remèdes prônés par Pierre Gattaz ?
 

Bertrand Rothé : Une baisse du Smic entraînerait une précarisation de l’emploi et une détérioration des prestations sociales. Cela entraînerait aussi une spirale déflationniste. Or, qui dit baisse des prix dit aussi baisse du coût du travail, et donc baisse des salaires et du pouvoir d’achat. Cette «solution» n’a d’intérêt que pour les rentiers qui disposent de revenus fixes.

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