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Gaza: plus radical que le Hamas, ça existe… Tour d’horizon

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Un manifestant portant le drapeau palestinien lors d’une manifestation en 2009 – Photo DR Shutterstock
 

JOL Press : L’effondrement du Hamas peut-il entraîner l’établissement de formations plus radicales à Gaza ?
 

Dominique Thomas : Effectivement, certains observateurs envisagent ce scenario selon lequel l’effondrement du Hamas entrainerait l’implantation plus durable des groupes plus radicaux à la place.

Même si le Hamas devenait une organisation complètement écrasée, elle ne serait pas pour autant isolée et marginalisée. N’oublions pas que le Hamas a déjà connu ce type de situation dans le passé : il a donc l’habitude de gérer ce genre de phases et a suffisamment de poids, de relais et de soutiens populaires, pour rester l’organisation principale, et ce même dans la clandestinité. Cela pourrait néanmoins faciliter de manière plus importante l’implantation de groupes djihadistes. Si le Hamas poursuit une politique de normalisation sur la scène politique palestinienne, cela peut engendrer des dissidences à l’intérieur de son camp et son aile radicale pourrait alors se rapprocher de forces djihadistes plus radicales que le Hamas.

Plusieurs formations radicales dans la bande de Gaza
 

JOL Press : Quels sont ces groupes plus radicaux que le Hamas ?
 

Dominique Thomas : Il existe plusieurs organisations dans la bande de Gaza. On peut énumérer deux structures principales : un petit groupe implanté dans le sud et le centre de Gaza, ainsi que le collectif du Conseil consultatif des Moudjahidines formé par plusieurs petites organisations. Créé il y a environ deux ans, c’est l’organisation la plus structurée et la plus imposante parmi la mouvance salafito-djihadiste de Gaza.

JOL Press : Ces groupes combattent-ils actuellement aux côtés du Hamas contre les forces israéliennes ?
 

Dominique Thomas : Pour l’instant, ces groupes font partie de la résistance contre l’offensive israélienne. Ils sont aujourd’hui dans une logique de résistance. Ils tirent des roquettes, combattent sur le terrain les forces israéliennes, sans pour autant effectuer des opérations communes avec le Hamas.

JOL Press : Qu’en est-il du Jihad islamique ? Quelles relations entretient cette formation avec le Hamas ?  
 

Dominique Thomas : Le mouvement Jihad islamique en Palestine (JIP) diffère de la logique salafito-djihadiste qui reprend l’idéologie propre à Al-Qaïda. Le djihad islamique a une légitimité plus ancienne, historique. Il a toujours été le principal concurrent du Hamas dans la région, mais reste limité dans ses capacités par rapport au Hamas. Il a tout de même quelques bastions dans la bande de Gaza, et en Cisjordanie. Il est dans une relation tantôt de concurrence, tantôt de partenariat avec le Hamas. Le Jihad islamique suit parfaitement la ligne politique du Hamas en ce qui concerne les conditions qui permettraient l’établissement d’un cessez-le-feu durable dans la bande de Gaza. 

JOL Press : Le Jihad islamique espère transformer sa formation militaire en un mouvement politique influent. Doit-on s’attendre à un conflit avec Hamas ?
 

Dominique Thomas : Il y a assez de place dans l’espace palestinien pour que ces deux formations, le Hamas et le Djihad islamique, cohabitent. Elles seraient concurrentes sur le plan politique mais leur rivalité ne tournerait pas forcément au conflit. Certes, il y a eu des conflits sur le terrain entre le Hamas et le Jihad islamique essentiellement pour des raisons de chefferie, d’autorité locale, et non sur des grandes lignes politiques.

Le Hamas affaibli depuis la chute de Mohamed Morsi ? 
 

JOL Press : Fragilisé depuis la chute du régime de Mohamed Morsi en juillet 2013, le Hamas pourrait-il sortir renforcé de ce conflit ?
 

Dominique Thomas : Comme allié national, la chute de Mohamed Morsi a effectivement été une perte, mais de-là à dire que l’Egypte était un allié solide du Hamas, c’est aller un peu vite en besogne. L’ancien président égyptien n’a pas ouvert les vannes à Gaza, n’a pas non plus fait rentrer un maximum de denrées, ou encore réussi à lever le blocus…La relation entre le Hamas et l’Egypte de Morsi était, certes, meilleure que du temps de Moubarak mais ce n’était pas un partenariat aussi fort que celui que le Hamas entretenait avec la Syrie ou l’Iran.

La perte de la Syrie a eu beaucoup plus d’impact pour le Hamas que la chute de Morsi, deux évènements qui ont participé à son affaiblissement sur le plan régional. Aujourd’hui le partenariat stratégique avec l’Iran  – armes, argent, soutien opérationnel – est beaucoup plus important pour le Hamas, que la question économico-humanitaire avec l’Egypte.
 

JOL Press : Le Hamas connaît-il un regain de popularité depuis le début des affrontements ?

Dominique Thomas : Le Hamas bénéficie du soutien de la population et des militants qui constituent leur base sociale. L’offensive actuelle est en train de restaurer une partie de l’autorité et de la popularité du Hamas, qui avait justement tendance à tomber avec les conflits régionaux. Le Hamas est le seul interlocuteur du peuple palestinien à Gaza et on s’aperçoit aujourd’hui qu’il jouit d’une forte popularité, perçu comme le mouvement au cœur de la lutte.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Dominique Thomas est doctorant à l’EHESS, spécialiste des mouvements islamistes et auteur de l’ouvrage « Crises politiques en Palestine, 1997-2007 » (Editions Michalon, 2007)

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