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Le PS et Valls 2: La loi de la cohérence… et de la réalité

Comment contredire la volonté de « cohérence », qui a spectaculairement surgi du sommet de l’exécutif, ajoutant un climat de crise politique au climat de crise économique ?

Difficile de la contredire pour Arnaud Montebourg, et les acolytes qu’il a embarqués « contre son gré malgré lui », dans une embardée à hauts risques, qui aboutit à la crise existentielle du PS : deux ans après l’élection présidentielle et sa part d’illusion, le parti a bien du mal à intégrer les contraintes du pouvoir et les aspérités de la réalité. La réalité économique, elle, est aussi simple que rude en cette rentrée. Et Manuel Valls avait au moins eu le mérite, peu après le creux du 15 août, de reconnaître ouvertement cette réalité de crise aggravée, surprenant les observateurs et tranchant avec les rondeurs de langage de François Hollande.

Cette réalité est que tous les indicateurs sont au rouge. Chômage, donc désespérance sociale, déficits publics, donc endettement aggravé, commerce extérieur négatif, donc compétitivité en berne, marges des entreprises étroites, donc investissements d’avenir limités… Résultat, taux de croissance proche de zéro, donc horizon bien sombre : pour éviter la chute d’une spirale qui tirerait définitivement la France vers le bas, le pouvoir exécutif n’a plus le choix, il doit s’atteler fortement à la réalité et se tenir à un langage de vérité.

Le nœud du bras de fer Valls-Montebourg est bien là. Et le point cardinal qui a précipité la crise au PS, dans la réalité multidimensionnelle de la mondialisation des échanges dans laquelle nous sommes, est la question des déficits publics. Refuser sa réduction, et donc la réduction de l’endettement (qui, accessoirement, pèse très lourd dans la feuille d’impôt des contribuables et donc sur la consommation), alors que le pays est aujourd’hui plombé par 2000 milliards de dette, c’est comme fuir la réalité. Et en France, idéologiquement, beaucoup de gens aiment ça !

Pourtant, la réalité, tôt ou tard, remonte à la surface et finit toujours par s’imposer. On a beau, comme Montebourg, théoriser avec talent oratoire une fumeuse « démondialisation » (comme si la France allait démonter, comme un mécano, une mauvaise construction mondiale), on a beau tonitruer médiatiquement contre les boucs émissaires faciles de « l’Europe de Bruxelles » ou de l’Allemagne d’Angela Merkel – rejoignant au passage les postures mortifères d’un FN au nationalisme europhobe et xénophobe –, on a beau politiquement jouer les gros bras à l’horizon brumeux de 2017, ce qui apparaît au grand jour, c’est bien une incapacité à faire face, avec responsabilité et cohérence, à la réalité que doivent affronter tous les gouvernements européens, et que les socialistes allemands ont su affronter avec succès, quitte à faire alliance… avec Angela Merkel.

Mais la France, bien plus largement qu’au PS, adore les fuites en avant idéologiques, les postures déclamatoires, qui font prendre les vessies pour des lanternes, et les déficits (du budget de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale) comme des solutions. Comme cela dure depuis plus de 30 ans, la droite au pouvoir ne faisant pas vraiment exception à la règle, le pays se trouve dans cette situation schizophrénique : pays du colbertisme, d’un « Etat Providence » qui n’a pas voté un budget en équilibre depuis plus de 30 ans et les années Barre,  ce  pays qui aussi, historiquement, a toujours cultivé le culte de « l’homme providentiel » – héritage monarchique de la Vème République – se voit aujourd’hui bien démuni. Il doit trouver de nouveaux repères, dans le processus accéléré et déroutant d’une crise qui oblige à transformer le logiciel, autant culturel et mental qu’économique et social, des Français. Pour entrer dans une nouvelle époque : l’actuelle !

Manuel Valls sera-t-il le Tony Blair français, qui avait vivement relancé la croissance dans son pays ? Faudrait-il encore que le Premier ministre français obtienne la réalisation effective d’une révolution idéologique dans sa famille politique. Beaucoup de chemin reste à parcourir… quand on voit par exemple que le numéro un du PS, Jean-Christophe Cambadélis (qui a pourtant été le lieutenant du directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, alors présidentiable du PS), croit devoir déclarer au Monde, qu’il rejette le terme même de « social-libéralisme », qui « ne fait partie ni de notre vocabulaire, ni de notre tradition ». François Hollande, homme de toutes les synthèses de courants, aura donc très fort à faire en cette rentrée. Car il n’est plus simple dirigeant d’un PS en mal de modernité, mais chef d’un Etat en grande difficulté. Un Etat qui n’a plus le temps d’attendre… son redressement productif.

Jean-Philippe MOINET

Directeur de la Revue Civique,

Éditorialiste à JOL Press.

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