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«Les musulmans de Chine sont victimes d’un apartheid»

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Physiquement, les Huis sont similaires aux Hans, majoritaires en Chine (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Qui sont les musulmans chinois ?

Jean-Vincent Brisset : On compte environ 10 millions de Ouïghours, des musulmans sunnites turcophones. Ils constituent 45% de la population du Xinjiang, région autrefois connue sous le nom de Turkestan chinois. Il y a aussi les Huis qui, contrairement aux Ouïghours, sont anthropologiquement semblables aux Hans, l’ethnie majoritaire en Chine (plus de 92% de la population). Autrefois, les Huis étaient entre 20 et 30 millions. Aujourd’hui, d’après les statistiques officielles, leur nombre serait devenu très inférieur.

Discriminations

JOL Press : Quelle est la situation des Ouïghours et des Huis ?

Jean-Vincent Brisset : Il existe un véritable apartheid. Les musulmans chinois sont victimes d’ostracisme et de discriminations de la part des Hans. Les Huis sont officiellement très limités et encadrés dans leurs pratiques religieuses et culturelles, mais on a beaucoup de mal à mesurer la part de ceux vivant dans une semi-clandestinité. La politique répressive de Pékin à l’encontre de la culture et de la religion des Ouïghours contribue à alimenter les tensions au Xinjiang.

La Chine espère réussir au Xinjiang ce qu’elle est parvenue à faire en Mongolie, à savoir un ethnocide (destruction de l’identité culturelle d’un groupe). L’objectif est que les Hans deviennent majoritaires et qu’ils aient la mainmise sur l’économie régionale. Les Ouïghours n’auront alors pas d’autre choix que de se fondre dans la masse Han. 

Fondamentalisme

JOL Press : Les musulmans chinois ont-ils toujours été victimes de ségrégation ?

Jean-Vincent Brisset : Le phénomène est flagrant depuis une douzaine d’années. La montée générale de l’islamisme dans le monde et les attentats du 11 septembre 2001 ont beaucoup marqué le gouvernement chinois. Le pouvoir central a très peur des fondamentalistes musulmans. C’est la raison pour laquelle Pékin a accepté d’échanger des informations avec le renseignement américain et dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai.

JOL Press : Ces craintes sont-elles fondées ?

Jean-Vincent Brisset : En tout, il existe sans doute entre 30 et 40 millions de musulmans en Chine. Il est donc tout a fait probable qu’une partie de cette population, majoritairement hostile à la tutelle de Pékin, est radicalisée. Le Congrès mondial des Ouïghours, basé hors de Chine, est dans une logique de dénonciation de l’islam radical. Le gouvernement chinois le considère cependant comme une organisation terroriste. D’autres mouvements plus radicaux, basés à l’étranger (Pakistan, Kazakhstan…), ne concernent qu’une infime partie des musulmans chinois.

A l’intérieur de la Chine, il y a vraisemblablement un risque reposant sur un islam radical non ethnique. On est à peu près sûr que les attentats revendiqués par les Ouïghours dépassent les seules revendications de ce peuple. Toutefois, on ne sait pratiquement rien sur l’ampleur et les implantations de ce phénomène. Pendant longtemps, les attentats attribués aux Ouïghours étaient localisés au Xinjiang. Certaines attaques récentes (Pékin, Kunming…) sont inquiétantes, car elles montrent une extension du problème à d’autres parties du pays. 

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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