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Libye: le nouveau Parlement peut-il régler la crise?

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C’est à Tobrouk, à l’extrême-est de la Libye, une ville proche de la frontière égyptienne, que le nouveau Parlement libyen a élu lundi 4 août son président, Aguila Salah Issa, un juriste sans appartenance politique. 

À plus de 1000 kilomètres de là, à Tripoli, ce qui restait du CGN (le Congrès général national, élu en 2012), contrôlé par les mouvances politiques islamistes « écrasées » par les groupes libéraux lors des dernières élections législatives, échouait à organiser la cérémonie de passation de pouvoir.

C’est en effet à Tobrouk que la majorité des députés a fait le déplacement pour inaugurer la nouvelle Chambre des représentants boycottée par les islamistes. Environ 160 députés sur les 188 nouveaux élus ont prêté serment lors de cette première session parlementaire, étape importante dans la transition politique.

Situation chaotique

La nouvelle assemblée, née après deux ans d’instabilité, doit désormais normaliser une situation politique et sécuritaire chaotique, marquée par les démissions successives des Premier ministres et, surtout, les violents combats entre milices rivales lancées dans la course au pouvoir et aux infrastructures stratégiques.

L’aéroport de Tripoli – ville jusque-là relativement épargnée – a ainsi été le théâtre d’affrontements violents mi-juillet entre les brigades de Zentane, alliées au général Haftar – qui entend lutter contre les islamistes par la force – et les milices islamistes de Misrata, dont certaines sont proches d’Al-Qaïda.

Manque de légitimité

Le Parlement aura-t-il les capacités d’enrayer ces violences ? Rien n’est moins sûr. Car depuis deux ans, les espoirs suscités par la mise en place du CGN ont rapidement été déçus. Le 25 juin, lors des élections législatives, seuls 18,5% des électeurs libyens ont fait le déplacement pour glisser leur bulletin dans les urnes.

« Le Congrès a perdu sa légitimité depuis le 7 février, lorsqu’il a décidé de prolonger son mandat. Le gouvernement issu de ce Congrès n’est donc plus légitime dans l’esprit de la majorité de la population », confiait à JOL Press le blogueur libyen Karim Nabata, à la veille des élections. « L’expérience du CGN depuis deux ans ne les a pas encouragés à voter une seconde fois pour un organisme qui sera semblable au précédent », ajoutait-il.

Manque d’autorité

Même son de cloche dans la bouche de l’ancien diplomate et spécialiste de la Libye Patrick Haimzadeh, interrogé par JOL Press : « Le nouveau corps parlementaire, même s’il dispose d’une nouvelle légitimité, n’aura pas plus d’autorité que le précédent pour s’imposer ».

La faute, notamment, au système des partis, modèle occidental plaqué sur la société libyenne mais qui, selon le spécialiste, ne lui correspond pas. « Même s’il n’y a que des indépendants [au Parlement], ceux-ci sont de toute façon rattachés à un parti et ils se déclareront, tôt ou tard, pour un parti ou pour un autre ».

« Quitter le pays »

Alors que les combats, qui opposent des milices autrefois alliées dans la lutte contre Kadhafi et désormais rivales, continuent à Tripoli et Benghazi, la stabilisation du pays semble encore loin. Plus de 220 personnes ont trouvé la mort ces deux dernières semaines selon le ministère libyen de la Santé.

Des centaines de Libyens cherchent également à fuir le pays qui souffre d’importantes pénuries d’essence et de produits alimentaires, et plusieurs pays ont invité leurs ressortissants et leur personnel diplomatique à quitter la Libye.

« J’entends souvent les jeunes dirent qu’ils vont « foutre le camp » ou partir, chose qui ne se disait pas avant », déplore Karim Nabata. « Il faut savoir que les Libyens ne sont pas une population migrante mais maintenant, on sent que pour des raisons de sécurité et pour des raisons politiques et économiques, les Libyens pensent vraiment à quitter le pays ».

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