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Pakistan: faut-il craindre un coup d’Etat militaire?

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L’opposant Imran Khan estime que Nawaz Sharif lui a volé la victoire lors des dernières élections législatives (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Quelle est la situation politique au Pakistan ?
 

Karim Pakzad : L’opposant Imran Khan et ses partisans réclament la démission du Premier ministre Nawaz Sharif, en fonction depuis juin 2013. Imran Khan est allié au chef politico-religieux Tahir ul-Qadri. Ce musulman modéré, installé au Canada depuis des années, était rentré au Pakistan en juin dernier afin de renverser le gouvernement.

Mercredi 20 août, des milliers de manifestants ont pénétré dans la «zone rouge» (le quartier de la capitale, Islamabad, où se trouve le siège du gouvernement, ndlr). Imran Khan, le chef du Parti de la justice (PTI), accuse la Ligue musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif d’avoir bourré les urnes lors des élections législatives de mai 2013. Le PTI était arrivé en troisième position, derrière la Ligue musulmane et le Parti du peuple pakistanais (PPP).

Imran Khan, qui avait l’ambition de gagner ce scrutin, avait contesté les résultats dès leur publication, malgré la validation des élections par des observateurs internationaux. 

JOL Press : Quelle ligne politique Imran Khan défend-il ? 
 

Karim Pakzad : Imran Khan a pu remporter 31 sièges à l’Assemblée nationale, alors qu’il n’en avait aucun dans le Parlement sortant, grâce à un discours populiste. Le chef du Parti de la justice joue notamment sur le fort sentiment antiaméricain au Pakistan. Il dénonce aussi l’inefficacité du gouvernement et la corruption endémique qui gangrène le pays.

En se persuadant qu’il pouvait gagner les législatives, Imran Khan a pris ses désirs pour des réalités. Car même si la Ligue musulmane et le Parti du peuple pakistanais, les deux grandes formations qui ont dirigé le gouvernement sortant, étaient discrédités, le PTI n’avait aucune chance de remporter le scrutin. Le programme d’Imran Khan est creux. Au Pakistan (où 35% de la population vit sous le seuil de pauvreté, ndlr), les priorités sont le redressement économique et la garantie de la sécurité, car le pays fait face depuis plusieurs années aux talibans.

JOL Press : Un an après les élections, la tension ne retombe pas. Pourquoi ?
 

Karim Pakzad : Imran Khan, un ancien joueur de cricket réputé pour sa ténacité, est dans une logique jusqu’au-boutiste. Mi-août, le chef du Parti de la justice avait promis de rassembler un million de personnes lors de sa marche de la «liberté» et de la «révolution». Finalement, il n’avait mobilisé que quelques milliers de personnes dans le centre d’Islamabad.

De plus, en juin dernier à Lahore, des affrontements entre la police et des partisans de Tahir ul-Qadri avaient fait au moins 10 morts, contribuant à radicaliser le mouvement. En menaçant de faire basculer la protestation dans la violence, Imran Khan tente un coup de poker qui a peu de chance d’aboutir, car Nawaz Sharif dispose de la majorité absolue au parlement. 

JOL Press : Y a-t-il un risque de coup d’Etat militaire ? 
 

Karim Pakzad : Depuis son indépendance, en 1947, le Pakistan a connu trois coups d’Etat. Aujourd’hui, l’équilibre entre le pouvoir civil et l’armée, toujours très influente, demeure fragile. Par le passé, Nawaz Sharif a dû démissionner à deux reprises de ses fonctions de Premier ministre parce qu’il s’intéressait de trop près à des dossiers gérés par les militaires.

Nawaz Sharif a notamment mécontenté l’armée en poursuivant pour haute trahison le général Pervez Musharraf, au pouvoir entre 2001 et 2008. Il risque la peine de mort. La loyauté de l’armée n’est donc pas acquise au pouvoir en place. Toutefois, mercredi, elle n’a pas soutenu les manifestants et a appelé au dialogue afin de mettre rapidement un terme à la crise politique.

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