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Virus Ebola: au Libéria, les habitants refusent de croire au danger

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(Flickr: ONU)

New Kru Town, un bidonville idéal pour le virus

Selon le médecin britannique Oliver Johnson, « les conditions de vie dans lesquelles vivent les habitants de New Kru Town sont plus qu’optimales pour la prolifération du virus ». Développée par les chauves-souris puis les singes, la souche Ebola se transmet par le sang, la transpiration, l’urine… N’importe quel fluide sécrété par le corps humain.

Ainsi, on comprend mieux le constat d’Oliver Johnson. Le bidonville de New Kru Town au Libéria, où les eaux usées s’écoulent en plein air, est touché de plein fouet par la contagion. En raison des fortes précipitations (le Libéria est en pleine saison des pluies), ce bidonville de 50 000 habitants est rapidement devenu une véritable piscine à germes. Au point de devenir la cible principale des équipes médicales, qui considèrent New Kru Town comme un foyer clé à maîtriser en vue d’empêcher le virus de s’étendre à toute la population.

Tamba Bundor, en charge d’une équipe locale de volontaires, livre l’analyse suivante : « Le quartier est très pauvre : l’assainissement y est absent, et la population est quasiment étrangère aux principes d’hygiène ». Il ajoute que c’est dans ce bidonville de la capitale Monrovia que les premières victimes d’Ebola ont perdu la vie, notamment à cause du non-respect des règles sanitaires préventives.

Des décès dus à la négligence des autorités médicales ? Pas seulement. Certes, ces mêmes autorités ont sous-estimé la gravité de l’épidémie, qui connut son commencement dans les forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest. Mais la population libérienne est en grande partie responsable de la prolifération du virus.

Des croix bleues trop peu présentes

Les Libériens de New Kru Town ne prennent tout simplement pas le danger du virus au sérieux. Ainsi, les équipes médicales, dont celle de Bundor, patrouillent dans le bidonville et marquent d’une croix bleue les foyers « éclairés », ceux qui acceptent d’être informés des mesures de prévention face au virus Ebola. 5000 maisons de New Kru portent aujourd’hui la distinction. Une nette avancée, même si, selon Bundor, 40 % de la population vit toujours dans le déni.

Les exemples que le volontaire donne sont nombreux, et pour le moins alarmants. Des milliers de Libériens demeurent en effet de féroces croyants : Tamba Bundor raconte que dans une église de quartier, trois hommes sont morts des suites de la maladie. Refusant d’être hospitalisés, ils pensaient fermement que la prière pourrait les sauver de leurs souffrances, qu’ils assimilaient à une malédiction. Une situation qui indigne Bernice Dahn, l’officière en chef de l’ordre des médecins du Libéria : « Les églises ne sont pas des hôpitaux. Hommes et femmes souffrant du virus ne devraient même pas franchir le seuil d’un tel lieu public ».

Enfin, la méfiance envers les corps médicaux, aussi inopinée soit-elle, empêche les volontaires de progresser. Le virus serait, selon les rumeurs urbaines, majoritairement transmis par les autorités médicales. Un déni à l’origine de scènes improbables : Bundor raconte, que, au moment de pénétrer une bâtisse où un homme avait péri des suites de son infection, la famille avait refusé l’entrée à l’équipe de bénévoles. Des habitants du bidonville s’étaient ensuite attroupés, menaçant d’en venir aux mains si les médecins ne quittaient pas les lieux sur le champ.

Si le Libéria, et plus généralement l’Afrique de l’Ouest, veulent mettre fin à la panique Ebola au plus vite, il faudra, avant toute chose, la collaboration la plus étroite de ses habitants. La route semble malheureusement encore longue à New Kru Town. Un hôpital y est clos depuis quelques jours : des Libériens en colère avaient pris d’assaut le complexe ; ils reprochaient au corps médical d’infecter les patients…

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