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Al-Qaïda en Inde: la prochaine filiale du djihadisme global

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JOL Press : Le chef du réseau al-Qaïda a annoncé dans une vidéo la création d’une nouvelle branche de l’organisation en Birmanie, au Bangladesh et en Inde. Quel est l’objectif ? 
 

Mathieu Guidère : Cette création d’une branche d’al-Qaïda dans le sous-continent indien s’inscrit dans un contexte international de compétition entre deux branches du djihadisme : le courant de la tendance al-Qaïda et celui de la tendance Etat islamique (EI), c’est-à-dire le courant de la tendance djihad global contre le courant de la tendance djihad local. L’Etat islamique a déclaré le califat sur les régions qu’il contrôle, à savoir le nord de la Syrie, le centre et le nord de l’Irak. Contre cette offensive idéologique du courant de l’Etat islamique, il y a une contre-proposition sur un autre territoire : le sous-continent indien, qui n’est pas pour l’instant investit par cette idéologie-là.

JOL Press : L’organisation pourrait-elle compter sur le soutien des populations locales ?
 

Mathieu Guidère : De par son essence même, et son idéologie fondatrice, al-Qaïda ne vise pas à compter sur les populations locales puisque son objectif repose sur le djihad global. Sa cible première reste l’Occident, notamment les militants et les combattants qui se trouvent dans les pays occidentaux. L’organisation a très peu d’activité dans les pays musulmans eux-mêmes ainsi que dans les pays arabes, contrairement à l’Etat islamique qui a un objectif de djihad local: il veut instaurer un Etat islamique et un califat. Aujourd’hui, al-Qaïda ne cherche pas à avoir le soutien de la population dans le sous-continent indien, mais veut s’appuyer sur le réseau pré-existant de militants pour les fédérer sous une branche et leur donner un label, comme elle l’a déjà fait lors des deux dernières décennies pour d’autres branches. 

JOL Press : La nouvelle branche de l’organisation sera dirigée par Assim Oumar. Que sait-on de lui ?
 

Mathieu Guidère : Assim Oumar est un membre des talibans pakistanais. Il s’est rallié au cours des années 2000 à al-Qaïda, et a progressivement franchi les échelons de l’organisation, étant donné que les commandants disparaissaient petit à petit. Depuis la mort de Ben Laden, en mai 2011, les Américains ont poursuivi la série d’assassinats ciblés des différents chefs d’al-Qaïda. Aujourd’hui, de l’organisation originelle et historique  d’al-Qaïda, il ne subsiste plus que le numéro un : Ayman al-Zawahiri. L’ascension d’Assim Oumar vient remplir un vide existant de combattants venant des pays arabes et signe la relocalisation d’al-Qaïda, qui n’est plus véritablement une organisation internationale, mais davantage régionale pour la région d’Asie du Sud-Est.  

JOL Press : Quelle a été la réaction des autorités indiennes face à la création de cette nouvelle branche d’al-Qaïda ?
 

Mathieu Guidère : La réaction des autorités indiennes a été immédiate: le gouvernement indien a demandé à tous les gouverneurs des provinces indiennes de renforcer la sécurité chez eux et de s’attendre à des attentats. La menace a donc été prise très au sérieux, car en règle générale, les nouvelles branches veulent démontrer leurs capacités opérationnelles en menant des actions et des attentats.  Les autorités indiennes ont donc immédiatement pris la mesure de la menace et vont rejoindre dans les prochains jours la coalition internationale contre le terrorisme. 

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Mathieu Guidère est islamologue spécialiste de géopolitique et des groupes terroristes. 

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