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Au Mexique, les cas de tortures impunis persistent

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Amnesty international a publié un rapport qui révèle l’augmentation considérable des cas de tortures et mauvais traitements perpétrés par les forces de l’ordre mexicaines – Photo DR Shutterstock

JOL Press : Selon le rapport de l’ONG Amnesty International, en 2013, 1.505 plaintes de tortures ont été relevées par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH): soit 600% de plus que celles enregistrées en 2003 : comment expliquer cette augmentation ?
 

Gaspard Estrada : Depuis 2006, le gouvernement mexicain a sensiblement misé sur la question de la sécurité. Sous la présidence de Felipe Calderón, la sécurité est d’ailleurs devenue l’axe principal du gouvernement fédéral. Il y a eu une multiplication des opérations de police et de l’armée qui s’est implantée dans les rues. L’armée est sortie des casernes pour occuper une place, dévolue auparavant à la police, pour faire face à l’augmentation du crime organisé et notamment aux cartels de la drogue dans le territoire mexicain. L’augmentation de la présence de l’armée et la multiplication des forces de police s’est traduite par une augmentation exponentielle des cas de tortures au Mexique, comme le montrent les chiffres du rapport publié par Amnesty International.

JOL Press : Quelle est aujourd’hui la position du président mexicain Enrique Peña Nieto sur ce fléau ?
 

Gaspard Estrada : Le président Enrique Peña Nieto a décidé de ne plus faire de l’insécurité l’axe majeur de la communication gouvernementale. Il y a eu une volonté de mettre en place une loi de victimes justement pour tenter de réparer les dégâts causés par cette politique, notamment vis-à-vis des familles de disparus. Rappelons qu’il y a eu énormément de cas de tortures mais également de multiples cas de disparitions : cela se chiffre à plusieurs milliers de personnes, dont on a perdu la trace. Il s’agit d’un véritable phénomène social. Le président Enrique Pena Nieto a décidé de faire voter des lois au Parlement qui sont censées protéger les familles et les personnes victimes de tortures.

JOL Press : Les tortionnaires restent-ils largement impunis ?
 

Gaspard Estrada : Le recours à la torture est devenu massif, tant de la part des cartels que des forces de police. L’armée, qui n’est pourtant pas formée pour mener des opérations de police, de plus en plus présente dans la rue pour lutter contre le crime organisé engendre une multiplication d’exactions et de cas de torture.

Les cas de tortures déclarés ne représentent qu’une partie du phénomène, beaucoup ne sont jamais révélés. Le phénomène est encore plus dur et vaste de ce qui est annoncé officiellement par les organes de police. Les personnes torturées peuvent être menacées, ou assassinées si elles décident de porter plainte les cas de tortures, sans oublier que ces actes peuvent être perpétrés par la police.

JOL Press : Quels sont les moyens développés par le gouvernement pour enrayer la violence et l’insécurité au Mexique ?
 

Gaspard Estrada : Les problèmes d’insécurité sont devenus l’une des principales préoccupations des Mexicains, surtout depuis le mandat de Felipe Calderón. Les Mexicains sont assez désemparés sur la question des moyens mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité. L’Etat mexicain peine à garantir une sécurité minimale à la population. A part l’Etat, on voit mal quel pourrait être le mécanisme de substitution : certains entrepreneurs dans les zones rurales ont d’ailleurs décidé de créer des milices paramilitaires pour combler cette lacune de garantie sécurité.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour Louise Michel D.

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Gaspard Estrada est analyste politique spécialiste du Mexique et des relations entre la France et l’Amérique latine

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