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Brésil: «Marina Silva endosse le tailleur du candidat idéal»

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JOL Press:  L’entrée dans la course présidentielle de Marina Silva, après la mort du candidat socialiste le 13 août dernier, « change la donne politique », comme l’a récemment déclaré l’ancien président brésilien Lula da Silva. La candidate écologiste pourrait-elle devancer Dilma Rousseff le 5 octobre prochain ?
 

Gaspard Estrada : Aujourd’hui, Marina Silva est une candidate compétitive. Elle a le profil et endosse le tailleur du candidat idéal par rapport aux paramètres de l’élection, dont la plupart des Brésiliens attendent des changements. Environ 70% de la population souhaite un changement au sein du gouvernement, mais un changement qui inclue une certaine continuité : c’est toute l’ambivalence de ce scrutin.

Marina Silva, ancienne membre du parti des travailleurs, ancienne ministre du gouvernement Lula, porte un message différent, qui incarne en même temps un certain changement par rapport au gouvernement de Dilma Rousseff. A la grande différence d’Eduardo Campos – qui avait également été un allié de Lula mais qui avait rompu ses liens avec la coalition en 2013 -, elle dispose d’une notoriété et d’un bilan d’image supérieure au défunt candidat. C’est une candidate qui a une compétitivité supérieure à celle d’Eduardo Campos : elle est devenue une candidate crédible pour gagner la présidence de la République. Nous sommes passés d’une élection polarisée entre deux candidats, à une élection où trois candidats ont de réelles chances de l’emporter : Dilma Rousseff, Marina Silva et Aecio Neves.

JOL Press: Marina Silva a promis une «nouvelle politique» : sur quoi repose-t-elle ?

Gaspard Estrada : C’est la grande question… : savoir concrètement ce que signifie la « nouvelle politique ». La leader politique est issue des zones rurales, notamment des zones proches de l’Amazonie avec un combat pour l’environnement affirmé, mais aussi un combat pour la défense évangélique, religion à laquelle elle appartient. Elle est très conservatrice sur le plan des mœurs, notamment sur les questions liées à l’avortement ou au mariage homosexuel, et cela se reflète dans son électorat: à la fois très éduqué, urbain, jeune et très aisé, et d’un autre côté un électorat beaucoup plus pauvre, rural et évangélique.

C’est au sein de cet électorat évangélique que Marina Silva enregistre son meilleur score : elle superforme de 10 points son score national. Mais n’oublions pas que le Brésil est un pays très fragmenté sur le plan des partis : il existe 30 partis au Brésil dont 22 représentés au Parlement. Marina Silva devra, si elle est élue, nouer les alliances pour avoir une majorité au Congrès…C’est là que cette « nouvelle politique » va se heurter à la réalité politique du Brésil.

JOL Press : Déjà fragilisée par la grogne sociale qui a secoué le Brésil avant l’ouverture du Mondial de football, Dilma Rousseff pourra-t-elle trouver les soutiens nécessaires à sa réélection ?
 

Gaspard Estrada : Les manifestations qui ont secoué le Brésil en juin 2013 ont sensiblement diminué le niveau de popularité du gouvernement et de Dilma Rousseff. Mais jusqu’à la mort d’Eduardo Campos et l’entrée de Marina Silva dans la course présidentielle, il était probable que Dilma Rousseff gagne le scrutin dès le premier tour, justement parce que l’opposition ne réussissait pas à incarner ce changement dans la continuité. Certes, Dilma Rousseff a perdu un favoritisme important, mais il me semble qu’elle dispose encore aujourd’hui de leviers qui lui permettent d’être encore la favorite du scrutin, avec un niveau de certitude de victoire cependant moindre.

JOL Press : Quels sont ces différents leviers dont dispose l’actuelle présidente ?
 

Gaspard Estrada : Tout d’abord, un levier gouvernemental : elle est présidente de la République. Elle jouit par conséquent d’une fonction et d’une place particulière par rapport aux autres candidats. Deuxièmement, elle dispose d’un temps à la télévision presque cinq fois supérieurs à celui de Marina Silva, avec 12 minutes de spots de campagnes chaque jour, contre 2 minutes pour Marina Silva. Elle a aussi une coalition derrière elle : une dizaine de partis soutient sa candidature.

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Gaspard Estrada est analyste politique spécialiste du Mexique et des relations entre la France et l’Amérique latine

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