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Ces milliards de dollars que la justice américaine fait payer aux banques

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Les amendes bancaires se succèdent aux Etats-Unis (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Fin juin, la justice américaine a condamné BNP Paribas à payer une amende de 8,9 milliards de dollars. Depuis quelques temps, les sanctions de ce type se multiplient. Pourquoi ? 
 

Driss Lamrani * : Dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, et de la crise financière qui a suivi, l’Américain lambda a développé une véritable haine envers les banques (dans certains journaux, Goldman Sachs est devenu « l’ennemi public numéro un »). Les citoyens n’ont pas compris pourquoi l’Etat fédéral dépensait autant d’argent pour permettre aux banques – qui les avaient parfois ruinés – de se recapitaliser. Dans le même temps, les Américains devaient se serrer la ceinture pour réduire les déficits budgétaires alors que les banques recapitalisées continuaient de payer des dividendes et des bonus.

Longtemps accusées de laxisme à l’encontre du secteur bancaire, les autorités américaines multiplient les procédures judiciaires depuis plusieurs années. Il y a une volonté politique de la part de l’administration Obama de faire payer les banques et de corriger les mauvaises habitudes prises par le secteur financier. En mai dernier, le procureur général Eric Holder (l’équivalent de notre ministre de la Justice, ndlr) a prévenu qu’aucun établissement n’était « too big to jail » (trop gros pour aller en prison). 

JOL Press : Pour quelles raisons les Etats-Unis imposent-ils des pénalités financières aux banques ?
 

Driss Lamrani : Ces sanctions peuvent être liées à des pratiques abusives dans l’immobilier (subprimes, saisies immobilières), mais aussi à des manipulations de taux bancaires, à des violations d’embargos ou encore à des accusation de blanchiment d’argent.

Par exemple, BNP Paribas a reconnu en juin avoir enfreint les embargos américains contre Cuba, l’Iran et le Soudan et a accepté de payer une amende de 8,9 milliards de dollars pour échapper à des poursuites pénales. Autre exemple, pour solder des poursuites liées aux prêts hypothécaires à risque (subprimes), Bank of America, la deuxième banque américaine en termes d’actifs, a accepté le 21 août de payer la somme record de 16,65 milliards de dollars.

Ce qui est certain, c’est que l’administration Obama est soumise à une forte pression de la part de la droite radicale (Tea Party) qui réclame du sang et des larmes. Au Moyen Age, on brûlait les « sorcières » pour apaiser la colère populaire ; aujourd’hui, on veut « fouetter les banquiers en place publique ». La valeur numéraire importante des sanctions fait l’affaire.

JOL Press : Inflige-t-on ces amendes pour l’exemple ou bien sont-elles vraiment efficaces ? 
 

Driss Lamrani : Ces sanctions sont extrêmement efficaces. Certes, il s’agit de sommes très importantes qui se comptent en milliards de dollars. Mais ce n’est pas la raison principale. Une fois que l’amende est réglée, la Réserve fédérale américaine (Fed) garde un œil sur l’établissement. Lorsqu’une banque est en période de probation, elle doit montrer patte blanche. Quand une banque à la Fed sur le dos, ses dirigeants font tout pour éviter une deuxième amende, car un établissement ne peut survivre qu’une seule fois à ce type de sanction

JOL Press : Pourquoi les autorités américaines condamnent-elles des banques étrangères comme BNP Paribas ? 
 

Driss Lamrani : Il faut bien comprendre que BNP Paribas est une banque internationale. A partir du moment où une banque utilise le dollar, qui est la monnaie de référence au niveau mondial, elle doit se plier à la loi américaine. Or, BNP Paribas a réalisé des transactions en dollars avec les pays cités plus haut et soumis à un embargo américain. Ce qui place la banque en infraction par rapport à la législation américaine. Credit Suisse, qui est accusé d’avoir favorisé l’évasion fiscale de riches Américains, est dans le même cas.

Comme je l’indiquais plus tôt, depuis la crise financière de 2008, les Etats-Unis sont devenus beaucoup plus agressifs en matière de poursuites juridiques à l’encontre des entreprises, notamment non-américaines. En 2012, la candidat François Hollande disait : « Mon adversaire, c’est le monde de la finance ». Assez ironiquement, c’est Barack Obama qui est en train de transformer ces propos en actes. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont le seul pays à avoir les épaules pour corriger les failles du secteur bancaire.

* Driss Lamrani est aussi l’auteur du livre « Vers de nouvelles bulles spéculatives… Comment les éviter ? » (Editions Mélibée, 2012, préfacé par Jacques Attali).

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