Site icon La Revue Internationale

Espagne: Quels sont les partis politiques issus du mouvement des Indignés ?

[image:1,l]

JOL Press : Quel héritage le mouvement des Indignés a-t-il laissé dans la société et sur la scène politique espagnole ?
 

Nacima Baron : Le mouvement Indignés a été un électrochoc dans la toute la société espagnole, pas uniquement à la Puerta del Sol, à Madrid. Cela a donné une visibilité à des milliers de jeunes au chômage qui exprimaient un ras-le-bol par rapport au système. Les Indignés ont permis à chaque citoyen espagnol qui développait un grand désenchantement individuel, de réaliser qu’il y avait quelque chose de collectif dans cette prise de conscience : une fatigue, une saturation par rapport à la situation de crise existante.  

Aujourd’hui, dans le panorama politique, cela a fait émerger des collectifs, qui étaient au départ des porte-paroles sans organisation hiérarchique ou pyramidale. Il s’agissait de groupements d’individus engagés qui sont ensuite restés connectés : des émissions de radios ont par exemple relayé leur parole.

Podemos, la surprise aux élections européennes
 

JOL Press : Quels sont les principaux partis politiques de la mouvance des Indignés qui ont percé en Espagne ?
 

Nacima Baron : Sur le plan national, le mouvement Podemos – « Nous pouvons » en français –, dirigé par Pablo Iglesias,  a fait irruption sur la scène politique espagnole, créant la surprise aux élections européennes de mai dernier en récoltant 10% des voix.

Au-delà de Podemos, d’autres partis pour une éthique politique anti-corruption, ont bénéficié de cette mobilisation démocratique. C’est par exemple le cas du jeune parti Unión, Progreso y Democracia (UPyD), un parti démocrate, laïque, qui souhaite sortir de l’ancien bipartisme entre le Parti Populaire et le PSOE. Toujours au niveau national, il y a eu un renouvellement profond du parti socialiste espagnol (PSOE) avec le nouveau visage du secrétaire général : Pedro Sanchez.

Sur le plan régional, c’est-à-dire des communautés autonomes, nous sommes dans une situation de pré-campagne électorale pour les régionales de 2015. Des listes sont en train d’être constituées pour les chambres parlementaires des régions. On verra très probablement apparaître des partis issus du mouvement des Indignés au niveau des régions.

Enfin, il y a aussi des élections municipales qui s’annoncent. D’ores et déjà, des mouvements locaux et associatifs, comme  Guanyem Barcelona à Barcelone, dirigé par Ada Colau, drainent des foules dans des meetings de quartiers.

JOL Press : Quels sont les points communs entre toutes les plateformes issues des Indignés ?
 

Nacima Baron : Tous réclament de nouvelles pratiques politiques. Tous s’activent contre le niveau de corruption atteint à toutes les échelles dans la société espagnole. La saturation des citoyens est totale, le taux de dégoût des jeunes à l’égard de la classe politique est maximal. Les faits de corruption apparaissent dans les deux grands partis, au cœur de l’institution, dans la monarchie à travers la fille de Juan Carlos.

« Agir localement »
 

JOL Press : Quels sont leurs moyens d’action ?

Nacima Baron : Les partis issus de la mouvance des Indignés véhiculent leurs idées à travers trois supports : les assemblées locales, les réseaux sociaux et les médias. Après la mobilisation à Puerta del Sol, au cœur de Madrid, les manifestants ont réalisé que le meilleur moyen de mobiliser l’ensemble de la société était d’agir localement. Les assemblées se sont alors délocalisées au pied des immeubles, dans la rue.  

Une marche des représentants des Indignés vers Bruxelles a également été organisée pour  faire entendre leurs revendications  auprès des institutions européennes, qui pressent le gouvernement espagnol d’appliquer une politique d’austérité très douloureuse.

JOL Press : Quels pourraient être les risques de l’entrée en politique des Indignés espagnols ?
 

Nacima Baron : Les Indignés ont évidemment réfléchi au risque de leur institutionnalisation. Aujourd’hui, il y a une véritable recomposition de l’espace politique espagnol. Comme ils veulent réinventer le concept de parti politique avec des approches beaucoup plus horizontales, avec la notion de coopération, et davantage de transparence, je ne pense pas qu’ils seront prisonniers des institutions. Ils veulent au contraire les faire évoluer, et mettre en place des garde-fous, pour protéger les plus précaires, qui sont malheureusement les plus nombreux dans la société espagnole aujourd’hui.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

——————–

Nacima Baron est professeur à l’Université Paris Est Marne (UPEM). Elle est également l’auteure de l’ouvrage « L’Espagne aujourd’hui, De la prospérité à la crise » (Editions De Boeck) ainsi que de l’article « Puerta del Sol versus les Indignés. Une lecture de la crise espagnole au prisme de l’espace public » publié dans la revue Urbanités.

Quitter la version mobile