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Hervé Gourdel assassiné, la France entre en guerre contre le djihadisme

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(Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : La décapitation d’Hervé Gourdel est-elle une déclaration de guerre contre la France ?
 

Frédéric Encel : Oui, incontestablement. Ou plutôt l’effectivité de cette déclaration de guerre. Car en réalité, les islamistes radicaux nous haïssent et nous combattent depuis toujours, soit pour nos prétendues ou réelles prises de position dans le monde arabe, soit du fait de notre système laïc et de l’égalité hommes-femmes. Il faut tout de même se souvenir des attentats meurtriers des années 1980 et 1990, même si le contexte et les acteurs étaient évidemment différents.

JOL Press : Contre qui sommes-nous en guerre ? Quels sont les différents acteurs de ce conflit mondial ?
 

Frédéric Encel : Nous sommes en guerre contre un groupe de djihadistes, racistes et fanatiques au dernier degré, qui a déjà assassiné des milliers de personnes, civiles pour la plupart, faisant une lecture dogmatique, dévoyée et assez nihiliste du Coran.

Plus prosaïquement, nous intervenons aussi car certains de nos alliés moyen-orientaux sont directement menacés par l’Etat islamique, comme les Emirats arabes unis. D’autres pays, amis (Jordanie) ou importants d’un point de vue énergétique (Arabie saoudite), sont aussi objectivement menacés et, finalement, c’est toute la région qui risque de basculer dans le chaos généralisé.

JOL Press : Pensez-vous que l’opinion publique française ait conscience de l’état de guerre ?
 

Frédéric Encel : Question centrale mais compliquée. En fait, en Occident, nous avons du mal à appréhender ce concept de guerre dans ses formes nouvelles. On pense aux guerres mondiales ou aux vieux conflits israélo-arabes, avec batailles rangées de chars et d’avions. Or, les terroristes mènent leurs actions violentes de manière différente, en s’attaquant notamment aux ressortissants civils des Etats qu’ils combattent, comme on vient hélas de le voir avec l’assassinat d’Hervé Gourdel, et en tentant de semer l’effroi.

JOL Press : Comment faire prendre conscience aux Français de cet état de fait ? 

Frédéric Encel : Il faut que nos compatriotes comprennent l’enjeu de la lutte : il ne s’agit pas d’une guerre civilisationnelle ou religieuse – nos Rafale ne bombardent pas des Arabes ou des musulmans – mais d’un combat de valeurs. Les islamistes radicaux constituent une menace directe sur celles en vigueur dans nos Etats démocratiques et sécularisés où règnent tolérance, égalité devant la loi, liberté de conscience, respect des sensibilités sexuelles ou culturelles, scrutins libres et, bien entendu, séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Même des régimes franchement très peu progressistes, comme le Qatar ou l’Arabie saoudite, se voient contraints de lutter contre le fléau djihadiste. Or ce combat est global car le monde est globalisé ; si nous n’intervenons pas pour aider les Irakiens – en particulier les Kurdes et les chrétiens – ainsi que les pays de la région, nous perdrons notre crédibilité et ces égorgeurs s’attaqueront directement à nous.

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Frédéric Encel est docteur en géopolitique, professeur à l’ESG Management School et maître de conférences à Sciences Po. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont « Atlas géopolitique d’Israël. Aspects d’une démocratie en guerre » (Autrement, 2008, nouvelle éd. revue et augmentée en 2012), « De quelques idées reçues sur le monde contemporain. Précis de géopolitique à l’usage de tous » (Autrement, 2013), et « Géopolitique du printemps arabe » (PUF, octobre 2014).

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