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Il faut sauver l’Irak en écartant l’Iran

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La gravité du fléau de l’État islamique (EI) qui a plongé l’Irak dans le chaos, appelle à une action urgente et concertée des nations. Cette initiative doit surtout être accompagnée d’une politique avisée pour prévenir les erreurs du passé et la dégradation de la situation.
 
Le lobby iranien pousse toutefois à faire valoir l’idée que la République islamique pourrait user de son influence de grand voisin pour stabiliser l’Irak. Allant même jusqu’à évoquer des concessions à Téhéran sur le dossier nucléaire en échange de sa collaboration dans la crise irakienne. 
 
 
Or selon certains analystes au Moyen-Orient et en Occident, ce serait le remède idéal pour une nouvelle catastrophe en Irak. Les avis se multiplient dans les milieux politiques de la région et d’abord en Irak, qu’il convient plutôt de procéder dans le sens inverse: à savoir écarter définitivement le régime iranien et ses pasdaran du jeu irakien et reconnaître que Téhéran est le cœur du problème et non la solution.
 
 
Pourtant la pression des lobbies pro-régime iranien est partagée par certains milieux diplomatiques et milieux d’affaires en France.  Cherchent-ils à entrainé la France dans un piège tendu par les manœuvres iraniennes ?  Ces milieux tentent d’exploiter l’ouverture des autorités françaises à l’égard des questions syriennes et irakiennes pour faire une place de respectabilité pour le régime de Téhéran. Lors d’une récente audition au parlement, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, « a souhaité que tous les pays de la région moyen orientale, ainsi que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, agissent en commun contre les jihadistes de l’Etat islamique.» Des députés ayant fraichement effectués des visites guidées en Iran sous l’impulsion et l’insistance du régime iranien ont sauté sur l’occasion pour réclamer une collaboration avec l’Iran.  
 
 
Les raisons de l’implosion de l’Irak?
 
Pourquoi s’allier au régime iranien pour sauver l’Irak serait la pire erreur politique concevable. Pour l’expliquer il suffit de rappeler le rôle joué par le régime iranien en Irak depuis 2003 et  particulièrement depuis que Nouri Maliki a été placé au poste premier ministre. En l’absence d’une politique américaine d’après-guerre, c’est le régime iranien qui a  comblé le vide du pouvoir en Irak après la chute de l’ancien régime. 
 
 
Le 6 juillet dernier, le Washington Post publiait un article stupéfiant sur l’échec de la politique américaine en Irak et le rôle de l’Iran dans ce pays. Ali Khedery, ancien assistant spécial de cinq ambassadeurs des Etats-Unis en Irak et qui fut le fonctionnaire américain le plus longtemps en poste dans ce pays s’interroge dans un article édifiant sur « les raisons de l’implosion de l’Irak? »
 
C’est dans l’action destructrice du premier ministre Nouri Maliki et de son mentor iranien Ghassem Soleimani, un commandant des Pasdaran et responsable de la politique iranienne en Irak, qu’il faut voir les causes de la tragédie dans ce pays. Mais également dans l’erreur de jugement des responsables américains qui ne se sont pas opposé à la mainmise iranienne sur la vie politique irakienne.
 
 
Ali Khedery a décrit une épisode étonnante à Bagdad. En 2010, le laïc Ayad Alawi avait gagné les élections et le clan chiite pro-iranien, rongé par les dissensions, avait perdu les élections. Le Premier ministre Maliki devait abandonner l’idée d’un deuxième mandat. Mais le régime iranien fait pression sur les organisations chiites pour serrer les rangs derrière Maliki et écarter Alawi.
 
Voici comment est expliquée cette épisode dans le Washington Post :
« Le 1er septembre 2010, lors d’un dîner à la résidence de l’ambassadeur où étaient invités le Vice-président Joe Biden, ses collaborateurs, les généraux et les diplomates de haut rang de l’ambassade, j’ai brièvement et calmement argumenté les raisons de pousser Maliki dehors et la nécessité de respecter le processus constitutionnel (…) Nos discussions avaient peu d’importance car l’homme le plus puissant en Irak et au Moyen-Orient, le général Ghassem Soleimani, le chef de l’unité d’élite de la Force Qods des gardiens de la révolution en Iran, allait régler la crise pour nous. Pendant la visite de Joe Biden à Bagdad, Soleimani a convoqué les responsables irakiens à Téhéran. Après avoir réprimandé les Irakiens sur leurs dissensions (il s’agit de plusieurs organisations chiite inféodé à l’Iran -ndlr), et leur avoir demandé de travailler ensemble, Soleimani leur a fait part de la volonté du Guide suprême iranien de voir Maliki rester Premier ministre et que les troupes américaines devaient partir fin 2011.  J’étais déterminé à ne pas laisser un général iranien, qui avait tué d’innombrables soldats américains, dicter aux Etats-Unis la fin du jeu en Irak.»
 
Ali Khedery ajoute: « Mais toutes mes démarches ont été vaines.  En novembre, la Maison Blanche a fixé sa désastreuse stratégie en Irak. Le processus constitutionnel irakien et les résultats des élections seraient ignorés et les Américains apporteraient leur plein soutien à Maliki.  Cela a permis à Maliki, sur instructions de Téhéran, de former un cabinet autour des hommes favoris de l’Iran en Irak.» 
 
 
L’Iran: cause des malheurs en Irak
 
La crise qui affecte actuellement l’Irak et le Moyen-Orient n’était pas seulement prévisible mais évitable. En permettant la mainmise de l’Iran, les Etats-Unis ont permis l’Irak de sombrer chaque jour davantage dans les guerres ethniques et confessionnelles. Avec l’action des milices, des escadrons de la mort et des agents d’influence de la République islamique au sein de l’administration, de l’armée et surtout du ministère de l’Intérieur de ce pays, l’Irak est aujourd’hui au bord de l’implosion. 
 
 
Commandité par Ghassem Soleimani, le premier ministre Nouri Maliki a mené une politique despotique, en supprimant ses rivaux d’abord parmi les sunnites et les Kurdes, puis parmi ses alliés chiites. Maliki n’a jamais nommé de ministre de l’Intérieur, pas plus qu’un ministre de la Défense ou un chef du Renseignement. Il a rempli ces postes lui-même sous la supervision de son mentor iranien. Sa politique sectaire et pro-iranienne a aliénée la population dans son ensemble, chiites et sunnites, qui considèrent aujourd’hui l’Iran comme la source de leurs malheurs et réclament la fin de sa mainmise sur le pays. C’est ce que l’on entend dans la rébellion des provinces du centre et du nord dominées par les sunnites, mais aussi dans les rues de Karbala ou de Bassora à domination chiite, précise une analyse de la Fondation d’Etudes pour le Moyen Orient (FEMO). 
 
 
En plus du massacre quotidien de la population irakienne, Nouri Maliki a également accompli une autre tâche confiée par Soleimani: anéantir la principale opposition iranienne, réfugiée en Irak, à savoir les Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) basé au camp d’Achraf. Le deuxième mandat de Maliki a été entaché de plusieurs massacres dans le camp d’Achraf et d’attaque meurtrières contre le camp Liberty par les milices organisées par l’Iran et sous les ordres de l’ancien premier ministre Maliki.
 
 
En 2003 pour combattre le régime de Saddam Hussein, les Etats-Unis ont commis une faute grave en associant l’Iran à l’après guerre, et ont offert l’Irak sur un plateau d’argent au régime iranien. En 2014  pour combattre les forces obscurantistes de l’Etat Islamique et ses exactions, la communauté internationale va-t-elle répéter la même erreur en associant l’Iran à son combat ? L’Iran ne serait-il pas, comme en Syrie, la source du problème irakien et non la solution, comme l’affirme les principaux intéressés?  La carte blanche à l’intervention de l’Iran écarterait à jamais une réconciliation entre sunnite et chiite en Irak et éterniserait le conflit, à l’instar de la Syrie.
 
 
La diplomatie Française devrait veiller à écarter l’influence néfaste de l’Iran dans le processus internationale d’aide à l’Irak et pousser à la formation d’un gouvernement inclusif qui inclurait les kurdes et les sunnites. C’’est la seul manière de venir à bout du soit disant califat autoproclamé de l’Etat Islamique.
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