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Il n’y aura pas de «Grand Soir» pour le climat

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(Photo : Arnon Polin/Shutterstock.com)

La Conférence de l’ONU sur le climat se tiendra mardi 23 septembre à New York. Quel est le principal enjeu de cette réunion ?
 

François Gemenne : L’enjeu numéro 1 est de donner un nouvel élan à la coopération internationale et aux négociations sur le sujet du réchauffement climatique. Ce sommet se tient en dehors du calendrier habituel des négociations pour essayer de relancer le processus en vue d’aboutir à un accord à Paris, en décembre 2015.

Pour le moment, les négociations sont bloquées car il n’y a pas d’accord aujourd’hui sur la répartition de l’effort, qu’il s’agisse de l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre ni d’effort de répartition du financement de l’adaptation.

Pensez-vous que ces négociations pourront véritablement préparer la signature d’un accord dans un an ?
 

François Gemenne : Je pense qu’il faut abandonner l’idée du « grand soir » du climat avec un grand accord qui réglerait tous les problèmes. De plus en plus, nous avancerons par petits pas et nous devons nous habituer à cette perspective.

Ce ne sera certes pas le grand accord dont nous rêvions, mais ce sera, d’une part, mieux que rien et, d’autre part, cette logique du « petits pas par petits pas » correspond à l’envie qu’ont les Etats de pouvoir décider eux-mêmes des mesures qu’ils vont mettre en œuvre. En effet, les pays sont de moins en moins enclins à accepter qu’un accord multilatéral leur impose des contraintes. Il faudra donc de plus en plus partir des réalités nationales.

Que devraient aujourd’hui faire les Etats pour contenir le réchauffement climatique ?
 

François Gemenne : Traditionnellement on distingue deux façons de lutter contre le changement climatique. Dans un premier temps, la réduction des gaz à effets de serre. Nous savons que pour contenir à 2° l’augmentation moyenne de la température d’ici la fin du siècle, il faut globalement que les émissions de gaz à effets de serre baissent de moitié d’ici 2050. Cela signifie que chaque Etat doit modifier son économie et doit passer à une économie sinon sans carbone, du moins à faible usage de carbone et ce très rapidement.

Dans un deuxième temps, l’adaptation. Il faut faire face aux impacts du changement climatique qui sont déjà réels aujourd’hui et qui seront de toute façon inévitables à l’avenir. Se préparer c’est donc prendre des mesures telles que la construction de digues, de barrages. C’est aussi adapter les techniques agricoles à ces nouvelles contraintes de manière à minimiser l’impact du changement climatique sur les populations.

Les États ont-ils les moyens de tenir ces objectifs ?
 

François Gemenne : Tout est absolument faisable. L’économiste Nicholas Stern et l’ancien président mexicain Felipe Calderon ont remis il y a quelques jours un rapport selon lequel les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’étaient pas nécessairement les ennemies de la croissance économique et qu’il est parfaitement possible de combiner les deux. Il y a une multitude d’études qui montrent que c’est aujourd’hui faisable.

Avez-vous l’impression d’assister à une prise de conscience globale sur le sujet ?
 

François Gemenne : Cette prise de conscience n’est pas nouvelle mais ce qui me paraît très remarquable aujourd’hui c’est la mobilisation de la société civile, comme on a pu le constater au nombre de personnes qui sont descendues dans les rues dimanche pour enjoindre les politiques à se mobiliser sur le sujet.

Ces centaines de milliers de manifestants sont l’illustration de la pression que peuvent exercer les populations sur les gouvernements.

Cela fait néanmoins des années que des conférences sur le climat sont organisées et que systématiquement les intérêts propres à chaque pays prennent le dessus. L’ONU est-elle impuissante pour régler le problème du réchauffement climatique ?
 

François Gemenne : L’ONU n’est jamais que la conjonction des intérêts des différents pays et n’est pas une organisation supranationale qui peut imposer sa volonté aux États.

La grande difficulté est donc de faire converger les intérêts nationaux vers un intérêt commun, ce qui implique d’avoir une représentation commune du problème et pour l’heure nous n’avons pas cette représentation et le changement climatique a des significations très différentes selon les pays. Les solutions imaginées sont alors très différentes elles-aussi.

Je pense qu’aujourd’hui, tous les pays ont forcément conscience de la réalité du changement climatique et de ses dangers, pour certains, ce n’est simplement pas encore la priorité.

Propos recueillis par Sybille de Larocque par JOL Press

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