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La déflation ou la spirale infernale pour l’économie européenne

Déflation. Ce mot encore inconnu du grand public terrorise désormais tout le monde depuis plusieurs semaines. Les Français et les Européens connaissaient l’inflation – bien régulée par la BCE, mais au détriment de la croissance – ils flirtent aujourd’hui avec son parent aux effets tout aussi pervers : la déflation. La sonnette d’alarme tirée par François Hollande le mois dernier a servi de sonnette d’alarme et la BCE répond aux inquiétudes légitimes qui fleurissent.

En Europe, les prix ont de nouveau baissé en août. L’inflation est tombée à 0,3 % sur un an, contre 0,4 % en juillet, selon les derniers chiffres publiés le 29 août par Eurostat. Un point historiquement, qui réveille les craintes de voir l’économie européenne sombrer dans la déflation.

« L’Europe est menacée » par la déflation

Depuis son arrivée à l’Élysée en 2012, François Hollande dit souhaiter encourager la croissance par l’investissement dans la zone euro. Alors que la Commission européenne entame un nouveau mandat, le président français jetait au début du mois d’août, un pavé dans la mare : « il y a un vrai risque déflationniste en Europe » et d’ajouter « l’Europe est menacée par une longue et peut-être une interminable stagnation si nous ne faisons rien. »

Une déflation, marquée par une baisse générale des prix, pourrait être, à première vue, synonyme de hausse du pouvoir d’achat. Elle ne permet pourtant pas de consommer davantage. Au contraire ! La chute généralisée des prix ouvre un cercle vicieux qui gèle l’économie : lorsque les prix chutent, les marges des entreprises se réduisent. Ces dernières sont donc contraintes de diminuer les salaires et leurs investissements. Ce qui a pour conséquence de freiner la consommation, donc de tirer encore davantage les prix à la baisse. Une fois le doigt pris dans la spirale, il devient très difficile de s’en extraire. Le Japon a mis quinze années pour s’en extirper et une mauvaise rechute est toujours à craindre…  

Aujourd’hui on ne peut pas parler de déflation à l’échelle européenne, mais les risques sont bien réels. Depuis le quatrième trimestre 2011, la production de la zone euro recule, il y a donc déjà eu six trimestres consécutifs de contraction économique. Le taux de chômage est très élevé et le taux d’utilisation des capacités de production est extrêmement faible. Certes, le niveau des prix ne diminue pas, mais le taux d’inflation est très bas, et certains pays comme Chypre ou la Grèce sont (déjà) en déflation.

Les pays les plus touchés par la crise sont aussi les plus exposés au risque déflationniste. L’Espagne, par exemple, a connu huit mois de baisse des prix en 2009, et l’histoire semble devoir se répéter avec un été 2014 de déflation. (-0,4 % en juillet et —,05 % de baisse des prix sur un an). Les autorités ibériques se disent confiantes, mais comme en France, les mots sont toujours moins forts que les faits. Il est curieux de constater que certains responsables appellent pourtant de leurs vœux la déflation…

La déflation comme mauvais remède

Les pays « périphériques » – Grèce, Espagne, Portugal en tête – souffrent d’un manque de compétitivité. Pour restaurer cette compétitivité, ils ne peuvent pas pratiquer de dévaluation externe – à l’aide du taux de change – puisque leur monnaie est désormais l’euro. La solution préconisée par certains est de procéder à une dévaluation interne, en faisant chuter les prix. Une fois les prix devenus assez faibles, la compétitivité sera mécaniquement retrouvée.

Ce pari déflationniste n’est pas douloureux à condition que tous les prix diminuent d’un même mouvement. Un travailleur espagnol ayant perdu 50 % de son salaire ne s’appauvrit pas si les prix ont baissé de 50 % dans le même temps. Si un tel projet venait à se concrétiser, le cauchemar est la seule issue possible.

En effet, dans le contexte actuel, la baisse des prix, supposé redonner du pouvoir d’achat à des salariés dont les revenus ont baissé, enclencherait en fait une spirale déflationniste. Donc la production et l’emploi chuteraient encore plus vite qu’aujourd’hui. Par les dégâts économiques qu’elle causerait, cette baisse des prix ne redonnerait pas du pouvoir d’achat aux salariés, elle les appauvrirait.

Déflation ou pas, l’inflation extrêmement faible et qui tend de plus en plus vers zéro est un mal qu’il faut combattre. La conjonction d’une inflation quasi nulle avec une croissance elle aussi proche de zéro démontre, s’il en était besoin, l’épuisement de l’économie européenne. La BCE tente de faire repartir la consommation et diminuer le cours de l’euro avec une nouvelle baisse du taux directeur (de 0,15 % à 0,05 %). Mario Draghi a compris les risques qui pèsent sur les économies européennes. L’heure est aux actes forts. Charge aux dirigeants nationaux de suivre la bonne direction et de ne pas jouer avec le feu. Les foyers européens n’ont plus le cœur aux grands embrasements destructeurs.

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