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«La troïka, toujours aussi impopulaire en Grèce»

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JOL Press: Dans le cadre des contrôles des comptes publics grecs, les représentants de la troïka se sont réunis avec une délégation gouvernementale grecque, non pas à Athènes mais à Paris, au siège de l’OCDE. Le changement de lieu des négociations voulu par le gouvernement Samarás est-il symbolique ?
 

Panagiotis Grigoriou : Comme le souligne actuellement la presse grecque, ce transfert des négociations d’Athènes à Paris est un moyen d’éviter un certain climat délétère et d’accentuer les tensions sociales. Des manifestations éclatent à chaque fois que la troïka se rend à Athènes. Plusieurs centaines de femmes de ménage licenciées accueillaient à leur manière les représentants de la troïka au ministère des finances, avec à la clé une certaine violence policière jugée « indispensable ». Ce déplacement de la troïka en dehors de la capitale grecque est donc un geste significatif, pas forcément positif.  

JOL Press : Après quatre ans d’austérité comment est aujourd’hui perçue la troïka dans la population grecque ?
 

Panagiotis Grigoriou : Oui, la troïka reste toujours aussi impopulaire. Même des personnes proches du gouvernement tiennent des propos durs à l’égard de la troïka. Cette dernière représente une force étrangère et changement brutal de la vie grecque y compris de la vie démocratique et constitutionnelle. La nouvelle série de mesures prises sous le patronat de la troïka pourrait bientôt permettre aux employeurs de licencier librement sans justification. Cette mesure en préparation, est hélas, la suite logique du mémorandum et des actions de la troïka dans l’Etat grec depuis 2010.

JOL Press: Les médias se focalisent sur l’amélioration des perspectives économiques en Grèce, et son retour réussi sur les marchés. Mais y-a-t-il une amélioration dans la vie quotidienne des Grecs ?
 

Panagiotis Grigoriou :  Il n’y a pas d’amélioration dans la vie des Grecs, mais il y a une stabilisation dans le pire, si l’on peut dire. Aujourd’hui la situation est plutôt stable : environ 20% de la population s’en sort honorablement, alors que les 80 % restant souffrent. Une étude récemment publiée montre qu’il faudra patienter 20 ans pour faire baisser le taux de chômage de 30% à 10%, avec un taux de croissance de 4%, dans un pays qui a perdu un million d’habitants depuis le début du mémorandum en 2010.

Un de mes amis journalistes qui travaillait pour l’un des plus grands quotidiens grecs a été licencié. Lorsqu’il a retrouvé du travail, le salaire qu’on lui a proposé était 800 euros au lieu de 2000. Pendant huit mois, il n’a pas été payé et a entamé un procès contre son nouveau journal. Des millions de Grecs sont aujourd’hui dans cette situation.

Quant au fait que la Grèce soit de retour sur les marchés, cela n’a pas d’impact concret sur la vie quotidienne des Grecs. Le taux de chômage atteint les 65 %, ceux qui travaillent reçoivent des salaires de misère avoisinant les 300 euros par mois. Les droits sociaux, les salaires, le chômage, tout a été bouleversé…sans parler du fonctionnement du Parlement…une véritable parodie.

JOL Press : Y-a-t-il un sentiment anti-européen fort en Grèce ?  
 

Panagiotis Grigoriou : Oui, il y a un sentiment anti-européiste en Grèce, c’est indéniable. L’Union européenne fait partie de la troïka. Il y a un sentiment d’amertume largement partagé dans la population y compris parmi les européistes convaincus.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Panagiotis Grigoriou est l’auteur de l’ouvrage «La Grèce fantôme» et écrit dans le blog Greek Crisis

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