Tous les abonnés ERDF en France vont progressivement être équipés d’un nouveau type de compteur électrique, le compteur intelligent Linky. Si son déploiement concentre de nombreux espoirs dans le domaine environnemental, l’exploitation et la sécurité des données générées par le compteur vert anis restent un concept assez flou pour les futurs utilisateurs et les rumeurs vont bon train.
Confidentialité des données : pas vraiment de changement
D’ici 2020, 90 % des compteurs électriques classiques seront remplacés par le nouveau compteur électrique d’ERDF, Linky. Un compteur électrique intelligent aux nombreux attraits environnementaux, mais également économiques, dont le déploiement ne fait cependant pas encore l’unanimité. En cause : des problématiques liées à la gestion et à la sécurité des données générées par les compteurs vert anis. « Le déploiement des compteurs communicants n’est pas sans risque au regard de la vie privée, tant au regard du nombre et du niveau de détail des données qu’ils permettent de collecter, que des problématiques qu’ils soulèvent en termes de sécurité et de confidentialité de ces données », prévenait ainsi la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) en 2013.
Des inquiétudes qui proviennent principalement des failles de sécurité observées chez le cousin de Linky en Allemagne. Dans le cadre de son programme « E-Energy : ICT-based Energy system of the Future », le pays a équipé plusieurs foyers de compteurs électriques intelligents et il n’aura pas fallu bien longtemps pour que des hackers détectent une faille de sécurité leur permettant de récupérer les données personnelles de tous les foyers utilisateurs du fameux compteur. Un problème de taille certes, mais loin d’être transposable à Linky. Le compteur allemand dispose en effet d’un port Ethernet et d’un accès Internet local qui ont permis aux « pirates » de pénétrer dans le système facilement. Le compteur d’ERDF n’a pas de port local et pour accéder aux données qu’il contient, il faut, exactement comme pour les compteurs classiques, casser le scellé. Que ce soit avec un ancien compteur ou avec Linky, protéger ses données des hackers se révèle être le même combat.
Que va en faire ERDF ?
On peut également se demander ce qu’un hacker pourrait bien faire des données générées par un compteur électrique. L’heure à laquelle on allume son four, sa télévision ou son chauffage a-t-elle un réel intérêt pour un pirate ? Pas vraiment. Le véritable risque serait qu’ERDF revende ces données à des publicitaires qui pourraient ainsi cibler d’autant mieux leurs campagnes de marketing, allant vers un secteur de la publicité 3.0 qui pose de nombreuses questions d’éthiques. Le fait est qu’ERDF n’est pas omnipotent et sera encadré par la CNIL et ses recommandations dans chacune de ses démarches de traitement de données. Le risque de voir ces données utilisées à des fins commerciales est donc quasi nul.
La vraie question aujourd’hui n’est finalement intéressante que pour les acteurs du marché des data centers. Alors que Linky fournit des données toutes les 10 minutes, les 35 millions de compteurs électriques intelligents déployés dans quelques années en fourniront des milliards, qu’ERDF devra stocker quelque part. Pour le moment, l’entreprise hésite entre un data center en région qui gérera les données localement ou une externalisation de la gestion. « Cela fait partir de notre 2e grand projet sur lequel nous travaillons activement, une exigence forte pour ERDF, qui deviendra, demain, un gestionnaire de données », précisait Philippe Monloubou, président du directoire d’ERDF en février dernier à La Tribune. Peu de risques de voir les données manipulées par des personnes mal intentionnées donc. L’entreprise Completel, qui possède 3 data centers en France, précise en effet qu’en France « les hébergeurs ont des obligations en matière de protection des données personnelles ». Si à l’étranger, le degré de protection peut varier, l’hexagone est connu pour son cadre légal, parmi les plus strictes du secteur.
Le jeu en vaut la chandelle
Les plus sceptiques continueront de penser que le risque zéro n’existe pas et ils n’auront pas totalement tort. Est-il cependant raisonnable de dire non aux compteurs électriques intelligents pour autant ? L’apport pour les foyers comme pour la planète de ce type de technologie ne doit-il pas figurer en haut de la liste des priorités aujourd’hui ? La consommation d’électricité en France s’est presque multipliée par 3 de 1973 à 2012. Les ménages et le secteur tertiaire, qui bénéficieront des compteurs électriques intelligents, sont sans nul doute les plus grands consommateurs du pays, avec 67,5 % de la consommation finale d’électricité en 2011.
En parallèle, bien que les énergies renouvelables connaissent une croissance importante depuis l’année dernière, encore 73,3 % de l’énergie produite dans le pays provient du nucléaire. Équiper nos foyers des compteurs Linky, ou encore Gazpar, permettra aux gestionnaires comme EDF ou GDF d’intégrer plus facilement les énergies renouvelables à leurs réseaux et d’équilibrer l’offre à la demande afin d’éviter gaspillage et pics de consommation. Dans le même temps, ce type de compteur sera également un des acteurs de la responsabilisation des foyers sur leur consommation, première pierre à l’édifice du développement durable. Les nouvelles technologies ont investi notre quotidien et un retour en arrière n’est plus possible. Le but aujourd’hui n’est pas de les refuser, mais bel et bien d’en tirer le meilleur parti et c’est ce que se propose de faire Linky.