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Matteo Renzi, un modèle à suivre pour Manuel Valls ?

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Le président socialiste du Conseil italien, Matteo Renzi – Photo DR Shutterstock

JOL Press: Manuel Valls s’est rendu à Bologne, dans le cadre de la Festa de l’Unità. Sa visite et son discours renforcent davantage son rapprochement de Matteo Renzi. Quelles sont les dispositions communes des deux hommes politiques ?  
 

Hervé Rayner: Avant même la formation du premier gouvernement de Manuel Valls, Matteo Renzi était perçu comme un modèle. Cette tendance s’est confirmée à la suite des élections européennes : le score du Parti démocrate italien de 41% a fait beaucoup d’envieux, et en particulier en France, chez les Socialistes.

Une rencontre officielle avait déjà eu lieu entre les deux hommes politiques au Palazzo Chigi – où siège la présidence du Conseil des ministres- à la fin du mois d’avril. Le courant passe entre les deux chefs du gouvernement, malgré leurs treize années d’écart.

Plusieurs éléments les rapprochent. Tout d’abord, Matteo Renzi n’est pas issu de l’ancien Parti communiste puisqu’il vient de l’aile gauche de la démocratie chrétienne. A l’image de Romano Prodi, le président du Conseil des ministres italien a convergé de l’aile gauche démocrate chrétienne à une alliance avec une partie de l’ancien Parti communiste : ce qui explique l’adhésion très récente du Parti démocrate italien au Parti socialiste européen, juste avant les élections européennes.

Autre point commun entre les deux hommes : l’expérience municipale. Manuel Valls s’est construit une image politique à partir de son poste de maire à Evry, en banlieue parisienne. Matteo Renzi, lui n’a pas été parlementaire avant d’accéder à la présidence du Conseil, et a également construit son image de marque politique sur son expérience de maire de Florence.

Tous deux éprouvent un refus commun du clivage droite/gauche. Certes ils sont au centre-gauche de l’échiquier politique, mais les deux tendent à estimer que c’est un clivage dépassé : c’est en tout cas présenté comme tel.

JOL Press : On compare souvent les deux chefs de gouvernement. Pourquoi Matteo Renzi arrive-t-il à avoir un gouvernement consensuel et pas Manuel Valls ?
 

Hervé Rayner: Sur le plan économique, la situation n’est pas si différente entre l’Italie et la France : les deux pays sont encore englués dans la crise qui a éclaté en 2008/2009. Ils sont confrontés à une croissance nulle, une inflation très basse, et un chômage en augmentation.

Sur le plan politique Matteo Renzi a réussi à s’imposer avec une image de nouveauté : il s’est défait de toute une classe dirigeante de l’ancien Parti démocratique, qui est aujourd’hui minoritaire, contrairement à Manuel Valls qui n’a pas du tout cette image de rupture, encore en continuité avec François Hollande.

JOL Press : La cohérence de Matteo Renzi est-elle pointée du doigt au sein de son parti ?
 

Hervé Rayner:  Oui, effectivement et la situation de Matteo Renzi va sûrement se corser à la rentrée. Plusieurs mots d’ordre de grève parmi les policiers ont été prononcés, et d’autres forces de l’ordre pourraient s’engouffrer dans la brèche. La situation est aussi très difficile pour Matteo Renzi, même s’il y échappe pour l’instant en tant que personne, comme en témoigne sa côte de popularité. Matteo Renzi, comme Manuel Valls d’ailleurs, perçoit le jeu politique de la même manière. Tous deux sont très attentifs aux sondages, au marketing, à l’image, et aux conseillers en communication.

JOL Press : Pourquoi Matteo Renzi cristallise-t-il tous les espoirs de la gauche européenne ?
 

Hervé Rayner: Comme la situation est aujourd’hui très difficile pour de nombreux partis politiques, socialistes et socio-démocrates, Matteo Renzi est perçu comme une solution, même s’il n’a pas encore été mis à l’épreuve. Le semestre de présidence italienne de l’Union européenne le propulse actuellement sur le devant de la scène. Il bénéficie également de la scission de la droite berlusconienne, qui est dans une situation très difficile. L’opposition – monopolisée par le mouvement cinq étoiles – est faible, et Matteo Renzi a su habilement combler ce vide.

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Hervé Rayner est spécialiste de l’Italie, enseignant-chercheur à l’Institut d’études politiques et internationales de l’université de Lausanne.

 

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