Site icon La Revue Internationale

Pakistan: des milliers d’opposants veulent la chute du Premier ministre

[image:1,l]

Le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif fait l’objet d’une vive contestation (Crédit photo : Asianet-Pakistan / Shutterstock.com)

PTV investi par les manifestants

Le 1er septembre, une foule composée de milliers d’opposants pakistanais est entrée au siège de la télévision d’État PTV, en enfonçant la porte principale à l’aide de gourdins. L’occupation des lieux, par les manifestants, a duré trente minutes.

« Des manifestants sont entrés dans les bureaux de PTV, ils débranchent les fils, nous sommes en état de siège, ils sont en train de pirater notre diffusion », a déclaré un présentateur sur PTV. La transmission de la chaîne PTV et PTV World Service, son service en langue anglaise, ont ainsi été coupées. Elles ont, par la suite, été rétablies.

Soldats et paramilitaires ont expulsé les manifestants du bâtiment qui a tout de suite été mis sous la protection de l’armée afin d’éviter d’autres incursions. Mais au centre de la capitale, la révolte demeure.

Les opposants à l’origine de la rébellion

Imran Khan, chef du Parti de la justice (PTI) et ancien joueur de cricket, défend une politique nationaliste. « Il dénonce aussi l’inefficacité du gouvernement et la corruption endémique qui gangrène le pays » explique Karim Pakzad, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste du Pakistan, interrogé par JolPress.

Tahir ul-Qadri, musulman modéré et vivant au Canada, est entré au Pakistan en juin dernier pour renverser le gouvernement.

Pourquoi se lèvent-ils contre le gouvernement ?

Imran Khan, accompagné du leader religieux Tahir ul-Qadri, condamne la victoire du Premier ministre, Nawaz Sharif, aux élections législatives de 2013, qu’il considère illégitime. Il « accuse la Ligue musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif d’avoir bourré les urnes lors des élections législatives de mai 2013 (…) malgré la validation des élections par des observateurs internationaux. Le PTI était arrivé en troisième position, derrière la Ligue musulmane et le Parti du peuple pakistanais (PPP) », indique Karim Pakzad

Cependant, le spécialiste du Pakistan explique que « le PTI n’avait aucune chance de remporter le scrutin. Le programme d’Imran Khan est creux. Au Pakistan (où 35% de la population vit sous le seuil de pauvreté, ndlr), les priorités sont le redressement économique et la garantie de la sécurité, car le pays fait face depuis plusieurs années aux talibans ». Par conséquent, de belles idées ne suffisent pas à convaincre les Pakistanais qui sont réellements dans le besoin. Une politique du concret est nécessaire.

Des précédents

La volonté d’Imran Khan et Tahir ul-Qadri de destituer le Premier ministre de ses fonctions a débuté le 15 août.

Dans la nuit du 19 août, les manifestants de l’opposition gouvernementale ont entouré le siège du gouvernement, à Islamabad, en menaçant le Premier ministre d’entourer sa résidence s’il ne démissionnait pas de ses fonctions : « Nous allons rester pacifiques, nous allons nous asseoir [devant la résidence du Premier ministre] et y mener notre sit-in », a déclaré Tahir ul-Qadri à ses partisans.

Parole tenue : 25 000 opposants, le samedi 30 août, se sont dirigés vers la résidence de Nawaz Sharif, située dans la zone sécurisée où sont établies les principales ambassades protégées par l’armée.

« Les manifestants ont tenté de pénétrer plusieurs fois dans la résidence du Premier ministre et ils ont mis le feu à plusieurs containers. Les policiers ont répondu par des tirs de balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes, rendus moins efficaces par la pluie incessante qui tombe sur Islamabad », témoigne Kamal Adourahim, correspondant de France 24 à Islamabad.

Ces différentes manifestations ont fait 3 morts et environs 500 blessés depuis le début.

Les répercussions politiques

Les députés du PTI (Parti de Imran Khan), lundi 18 août, ont démissionné de leurs sièges au Parlement national afin de montrer le mécontentement qu’ils éprouvent à l’égard du gouvernement, et le sérieux de leur démarche.

Le gouvernement, lui, pour essayer de trouver une solution au conflit, a lancé des pourparlers avec Imran Khan et Tahir ul-Qadri. Cependant, Imran Khan a mis fin, jeudi 21 août, aux négociations sans que les deux parties aient conclu un accord.

Le danger de larmée

L’armée peut constituer un danger pour Nawaz Sharif. Elle a en effet déjà été responsable, à deux reprises, de la démission du Premier ministre pakistanais « parce qu’il s’intéressait de trop près à des dossiers gérés par les militaires ». L’armée a également montré son mécontentement lorsque Nawaz Sharif a condamné le général Pervez Musharraf « pour haute trahison (…) au pouvoir entre 2001 et 2008. Il risque la peine de mort », explique encore M. Pakzad.

L’armée, très influente au Pakistan, appelle au dialogue dans ce conflit : « La situation nécessite de la patience, de la sagesse et de la sagacité de la part de toutes les parties pour mettre un terme à l’impasse actuelle via un dialogue profond qui est dans l’intérêt de la nation » a déclaré le porte-parole de l’armée, selon Le Monde.

Cette requête aboutira-t-elle ?

Malgré le nombre de manifestants, cette mobilisation reste en marge de la population qui soutient principalement le Premier ministre. Ainsi, le gouvernement refuse de destituer Nawaz Sharif de ses fonctions. Et il y a peu de chance qu’il le soit dans le futur car « Nawaz Sharif dispose de la majorité absolue au Parlement » précise Karim Pakzad.

Quitter la version mobile