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Pour l’affirmation des médias web africains en Afrique

Bientôt, dans 35 ans, l’Afrique comptera plus de 700 millions francophones selon l’OIF, ce qui fera de la langue française l’une des plus parlées avec l’anglais, l’espagnol ou encore le mandarin. En outre, la progression des infrastructures numériques augmente d’autant la proportion des internautes susceptibles de consulter les médias en ligne. Les ténors médiatiques français, mais aussi étrangers sont sur le pied de guerre, prêts à investir sur ce marché prometteur. Mais quid des médias africains ? Encore jeunes et en mal de financement, ils vont devoir eux aussi se faire une place afin de faire entendre la voix de l’Afrique, encore trop peu audible.
 
Selon les prévisions de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) datant de 2010, les personnes parlant français seront 715 millions dans le monde d’ici 2050, contre un peu plus de 220 millions aujourd’hui. Un accroissement principalement dû à la démographie galopante de l’Afrique. De son côté, Natixis a publié un rapport de recherche en 2013, « La francophonie, une opportunité de marché majeure », rappelant à chacun les perspectives immenses qui s’ouvrent pour le continent africain à l’avenir.
 
« La perspective que le français devienne l’une des premières langues parlées dans le monde constitue une opportunité de marché majeure pour l’industrie des médias français. Le numérique supprime les barrières à l’entrée, ce sera donc la prime aux plus audacieux et rapides », faisait valoir Jérôme Bodin, analyste chez Natixis. Plusieurs grands groupes privés ont déjà mis le cap sur l’Afrique, dont Vivendi et Lagardère.

Les TIC, c’est chic

Mais cette réalité concerne les Africains au premier chef. Ils s’efforcent depuis les années 1990 de développer leurs médias en ligne, comptant pour cela sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) auxquelles les penseurs du développement ont prêté toutes les vertus. En améliorant la connectivité et la gouvernance d’Internet, l’Afrique pourrait résoudre les maux d’une presse encore trop peu développée, disait-on. Plus encore, les TIC présentaient le fol espoir de favoriser l’essor du continent africain dans le système d’information mondial, jusqu’ici encore trop marginalisé. Un idéal qui n’est toujours pas atteint aujourd’hui.
 
Le continent africain fait en sorte de se doter des infrastructures numériques sans lesquelles nul média ne saurait émerger. À l’aide du soutien de la communauté internationale, elle rend ces technologies plus abordables, tendent à offrir un accès Internet haut débit, ainsi qu’à développer les compétences des citoyens de manière à ce qu’ils puissent répondre aux besoins des industries travaillant avec les TIC, dont les médias sont bien évidemment partie prenante.

Des infrastructures numériques en progression

La Banque mondiale a notamment initié à partir de 2012 plusieurs projets d’envergure. Parmi eux, l’investissement dans un câble sous-marin reliant les côtes d’Afrique orientale (de l’Afrique du Sud au Soudan) à l’Asie et à l’Europe. Résultats ? Les prix de gros en Afrique orientale ont diminué de 90 % tandis que la réduction est d’un tiers pour les prix de détail au Rwanda et au Kenya. Le nombre d’internautes a alors mécaniquement explosé, passant de 2 millions en 2007 à 14 millions en 2012. Un progrès indéniable.
 
Mais le déploiement des infrastructures réseau ne fait pas tout. En dépit de la progression des TIC en Afrique, les médias africains rencontrent des difficultés à s’approprier les nouvelles potentialités offertes par le numérique.
 
« La puissance du médium (Internet en l’occurrence) n’est qu’un atout technique. Le défi à relever sera celui des contenus à travers une production quantitativement et qualitativement à la mesure des enjeux », prédisait Seydou Sissouma en 2001 dans un article des Cahiers du journalisme alors qu’il était chef de service, responsable de la Cellule Internet au quotidien Le Soleil (Dakar) et rédacteur en chef du Réseau Mediaf. Il appelait alors à redéfinir les politiques éditoriales à caler sur les normes d’un public autres que nationales.

Les médias africains ont toujours du mal à s’approprier les nouveaux outils numériques

10 ans plus tard, en s’interrogeant sur l’évolution du cyberjournalisme en Afrique dans son livre « Les médias africains à l’heure du numérique », Cyriaque Paré notait qu’« à part quelques évolutions négligeables – des changements d’adresse ou de présentation graphique – rien n’avait vraiment évolué en terme d’appropriation du multimédia dans les projets éditoriaux en ligne, si tant est qu’on puisse appeler ainsi ce qui reste encore dans la plupart des cas une simple reproduction de la version papier ».
 
Mamadou Baal, Administrateur général de l’Institut panafricain des métiers de l’informatique et de la communication audiovisuelle, – qui interviendra le 9 octobre lors du premier panel la conférence internationale sur l’avenir des médias francophones organisé par l’OIF à Montréal -, livrait une analyse semblable en 2012 à propos des télévisions africaines: il regrettait le fait qu’elles copiaient-collaient la toute première chaine Orts sortie en 1974, sans chercher à changer de système.
 
Les Assises du journalisme qui ont eu lieu en novembre 2013 insistaient de nouveau sur les difficultés que rencontraient les médias francophones africains pour se mettre au web. Jean Guion, président de l’Alliance francophone internationale, invoquait diverses raisons pour expliquer ce retard : des problèmes matériels, la censure, l’intimidation, mais aussi la jeunesse de la presse africaine dans son ensemble.
 
« Les sites d’information en ligne au Burkina Faso sont récents, les plus anciens ont tout juste 10 ans » indiquait Iterre Some, Burkinabé et directeur de la publication de Médias Mag. Idem en Côte d’Ivoire où « la plupart des journaux datent de 1990 et le mien a été créé en 2005 », dixit Karim Wally, directeur de la rédaction de Nord-Sud Quotidien. Et bien évidemment, la question financière n’est pas à négliger, car la conversion au numérique coûte cher.

L’avenir des médias francophones interrogé par l’OIF

Du 8 au 10 octobre 2014, cette question sera de nouveau discutée par les acteurs de l’espace médiatique francophone à Montréal, à l’occasion de la conférence internationale sur l’avenir des médias francophones que l’OIF organise en partenariat avec le Pôle médias HEC Montréal.
 
« Quelles adaptations aux mutations technologiques et pour quels nouveaux publics ? » se demanderont notamment les intervenants le 9 octobre. Une question au cœur des enjeux de la presse africaine pour laquelle ces quelques jours de réflexion constituent une nouvelle opportunité de trouver les solutions de son envol. 
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